L’acteur à la célèbre fossette a été l’un des acteurs les plus charismatiques de l’âge d’or hollywoodien. Il a tourné avec les plus grands (Billy Wilder, Elia Kazan, Howard Hawks, Joseph L. Mankiewicz, Vincente Minnelli, Stanley Kubrick). Et si sa carrière au cinéma s’est arrêtée en 2008, Kirk Douglas continue de suivre l’évolution du monde avec acuité et inquiétude.
Récemment, dans une tribune publiée par plusieurs médias, il comparait Donald Trump à Hitler, en rappelant qu’en 1933, des gens se moquaient d’Hitler et prenaient sa candidature pour une vaste blague.
Pauvreté extrême
Sans doute Kirk Douglas n’a-t-il jamais oublié ses origines, lui qui a connu une pauvreté extrême dans sa jeunesse. Ses parents, d’origine russe, avaient fui les pogroms au début du XXe siècle et s’étaient installés à Amsterdam, dans l’Etat de New York, ville où lui et ses sœurs ont vu le jour.
Le dossier des archives consacré à Kirk Douglas
Son père, chiffonnier, passait le plus clair de son temps à boire les modestes revenus de la famille. Kirk Douglas n’a certainement pas oublié non plus, du haut de ses 100 ans, l’antisémitisme virulent auquel il a été confronté dans sa jeunesse. Quand il commence à jouer au théâtre à New York, ses camarades lui conseillent d’abandonner son vrai nom, Issur Danielovitch Demsky, et lui inventent le pseudonyme de Kirk Douglas.
Son amie Lauren Bacall, qu’il rencontre à New York, œuvre pour lui à Hollywood et convainc un producteur de son talent. On lui confie son premier rôle en 1946, dans "L’Emprise du crime". Il donne la réplique à Barbara Stanwyck. "Champion", de Mark Robson, en 1949, le révélera au grand public et lui offrira sa première nomination aux Oscars. La statuette lui échappera trois fois – ce qui le vexera beaucoup. Mais l’Académie rectifiera le tir en 1996 en lui décernant un Oscar d’honneur.
Au bord du gouffre
Dès ses premiers rôles, Kirk Douglas intervient sur le scénario. Il donne son avis, fait des propositions de modifications quand son rôle ne lui plaît pas complètement, quitte à passer pour un acteur difficile et arrogant. Il sera l’un des premiers à fonder sa propre société de production dans les années 50 et deviendra ainsi l’un des premiers "acteurs producteurs" (comme le sont Brad Pitt ou Leonardo DiCarpio aujourd’hui), ce qui lui permet d’initier des projets qui lui plaisent.
C’est lui, par exemple, qui contacte un certain Stanley Kubrick pour réaliser "Les Sentiers de la gloire" (1957), puis "Spartacus" (1960). C’est lui encore qui acquiert les droits de "Lust for life" ("La vie passionnée de Vincent Van Gogh", 1956), le roman adapté à l’écran par Vincente Minnelli et George Cukor. Ce rôle-là lui laissera un souvenir mitigé. Kirk Douglas ressemble réellement au peintre Van Gogh. Il s’identifie tellement à son rôle qu’il a du mal à s’en relever. Il se sent au bord de la schizophrénie.
Près de 100 films
Kirk Douglas a tourné un peu moins de 100 films. Du péplum au drame en passant par la comédie ou même la science-fiction, il a su tout jouer. Au fait, quel est son préféré? "Seuls sont les indomptés" (1962), de David Miller, scénarisé par Dalton Trumbo, banni d’Hollywood durant le maccarthysme, puis réhabilité en partie grâce à Kirk Douglas. Dans son autobiographie, "Le Fils du chiffonnier", l’acteur se dit profondément fasciné par son personnage, broyé par la société.
Raphaële Bouchet/olhor
Dur, mais subtil
Qu’il soit producteur cynique dans "Les Ensorcelés", de Vincente Minnelli, journaliste sans scrupules dans "Le Gouffre aux chimères", de Billy Wilder, ou joueur alcoolique et violent dans "Règlements de comptes à OK corral", de John Sturges, Kirk Douglas trimballe une image de dur.
"Il imprimait une masculinité franche et naturelle à ses rôles, explique Christophe Damour, maître de conférence à l’Université de Strasbourg. Kirk Douglas incarnait le héros viril, le roc des années 50 et 60. Les autres stars de son époque étaient soit dans un engoncement classique, comme Burt Lancaster - grand ami de Douglas par ailleurs - ou avaient un jeu limité, comme Robert Mitchum ou Gregory Peck, qui n’étaient pas très expressifs".
Et d'ajouter: "Kirk Douglas se situe entre la génération des acteurs classiques et la génération qui le suivra, celle des Marlon Brando ou des Montgomery Clift, qui sont plus névrosés, plus psychologiques. Chez Kirk Douglas, il y avait quelque chose d’hybride. Il est la dernière star classique avec, déjà, une part de modernité. Il y a dans son jeu une subtilité que les autres n’avaient pas".
D’un mâle à l’autre
Kirk Douglas a eu quatre fils: Michael, Joel, Peter et Eric, acteur lui aussi, décédé d’une overdose en 2004. L’aîné d’entre eux, Michael, 72 ans aujourd’hui, a réussi à se faire un prénom, chose rare dans le milieu. "Michael a même été la plus grande star masculine des années 90", déclare Christphe Damour, de l’Université de Strasbourg.
"Mais si Michael a joué les durs aventuriers dans "A la poursuite du diamant vert", il a incarné des personnages étrangers à ceux que jouait son père. "Pensez à "Basic Instinct", "Liaison fatale" ou "La Guerre des roses", Michael Douglas, c’est la masculinité entravée et mise en péril. C’est un acteur beaucoup plus réaliste que son père, à la manière d’un Harrison Ford".