Gros succès aux Etats-Unis, le film "Split" démontre que les retours sur le devant de la scène ne sont pas seulement réservés au monde de la musique. Et la carrière de Manoj Nelliyattu Shyamalan, de son vrai nom, ressemblerait presque à l’un de ses récits à "twist" (retournements de situation) qui ont fait sa réputation. Avec, bien sûr, trois temps distincts: le triomphe, la dégringolade et le rebond.
"Sixième sens", un succès au box-office
Le triomphe a lieu en 1999. Un jeune cinéaste de 29 ans, né à Pondichéry, en Inde, et installé très tôt aux Etats-Unis, explose en un film. Dans "Sixième sens", Bruce Willis incarne un psychologue qui s’occupe d’un garçon de 9 ans capable de voir les morts. Un budget de 40 millions de dollars et plus de 670 millions de recettes dans le monde.
La mise en scène est extrêmement maîtrisée, l'art du suspense et du fantastique parfaitement dosé et le retournement de situation final prend tout le monde par surprise.
Du jour au lendemain, M. Night Shyamalan devient la coqueluche du tout Hollywood. Mais le revers de la médaille ne tarde pas à survenir. Ses films suivants, "Signes", "Incassable" et "Le village" sont systématiquement comparés et jugés en regard de "Sixième sens", comme si tout le monde attendait du réalisateur qu’il réitère ce coup de maître.
Quoiqu’il en soit, Shyamalan construit une oeuvre cohérente et exigeante qui explore, à chaque fois, l'incursion du surnaturel dans le réel. Une oeuvre qui interroge des notions comme la foi, la croyance et l’importance du récit, de la fiction, comme ciment de l’humanité.
Triomphe et chute
Le succès public est encore au rendez-vous. C’est avec son film suivant que les choses se gâtent. En 2006, le réalisateur a toutes les peines du monde à faire produire "La jeune fille de l'eau", l’histoire d’une créature merveilleuse qui apparaît dans la piscine d’un immeuble résidentiel. Lorsqu’il sort enfin, le film récolte des critiques désastreuses et rencontre un accueil public glacé. Shyamalan se replie alors, non sans complaisance, dans une posture de génie incompris.
A partir de là, la carrière de Shyamalan part en eau de boudin. Le wonderboy devient persona non grata à Hollywood. Il peine à trouver un studio qui veuille produire son prochain film. Finalement, il signe "Phénomènes" en 2008, un thriller écolo qui ne convainc qu'à moitié, "Le dernier maître de l’air", une fable mystico-ésotérico-fantastique mâtinée d’arts martiaux, et "After Earth", film de science-fiction qui s’appuie largement sur la présence à l’écran de Will Smith et de son propre fils, Jaden Smith.
Pas de catastrophes au box office, mais rien de spectaculaire. Et surtout, l’aura de Shyamalan est sérieusement érodée. Le réalisateur navigue à vue, tente surtout de rester à flot, mais plus personne ne le considère comme un grand cinéaste…
Des films à petits budgets
Contre toute attente, c’est dans la modestie et les petits budgets que Shyamalan retrouve un peu de vigueur cinématographique. En 2015, il revient avec un tout petit film, "The Visit". L'histoire, tournée comme un faux documentaire, raconte la semaine de vacances de deux enfants envoyés chez leurs grands-parents. Des grands-parents dont le comportement de plus en plus étrange et inquiétant se révèle peu à peu.
Le film est tourné pour à peine 5 millions de dollars, soit très loin des 130 millions de "After Earth", et cartonne. Shyamalan démontre qu’il sait encore parfaitement doser ses effets dans ce thriller fantastique très effrayant.
Avec "Split", il remet le couvert sur la base d’un scénario plus complexe et ambitieux. Le budget est toujours restreint, 9 millions, mais lui assure une indépendance essentielle à son talent. Résultat: le film recueille des critiques élogieuses et a déjà amassé plus de 170 millions de dollars dans le monde.
M. Night Shyamalan a de nouveau le vent en poupe. A tel point qu'il en profite pour annoncer son prochain film: la suite d’ "Incassable", sans doute son chef-d’œuvre, réalisé il y a 17 ans avec Bruce Willis et Samuel L. Jackson. C'est ce que l’on appelle un sacré retour en grâce.
Rafael Wolf/mh