Comment embrasse-t-on quelqu'un? Où avez-vous vu un baiser pour la première fois, mis à part entre vos parents? Et oui! Au cinéma. Ou à la télévision. Le cinéma a beaucoup contribué à l'iconographie du baiser ainsi qu'aux rêves passionnels que la réalité ne pourra jamais égaler.
Même aux Etats-Unis, aux débuts du cinéma, les moeurs victoriennes n'admettaient pas qu'on s'embrasse en public. Pour oser un baiser au cinéma, l'inventeur et homme d'affaires Thomas Edison a dû reprendre une pièce de théâtre enveloppée d'un parfum de scandales, "Black Maria", et faire appel à un couple marié d'acteurs, qui se sont embrassés maladroitement pendant une fraction de seconde devant les caméras.
Après le baiser vint l'Amour
Le film muet "Flesh and the Devil" (1926) de Clarence Brown a donné une nouvelle image à Greta Garbo, la faisant passer du rôle de femme fatale à celui de tendre amante. Et puisque, pendant le tournage, des étincelles jaillirent aussi en privé entre elle et la superstar John Gilbert, le premier baiser officiel dans l'histoire cinématographique américaine créa une véritable sensation.
Nouveau baiser, remaniement des rôles
"Autant en emporte le vent" était à la fois un adieu au sud esclavagiste américain ainsi qu'un démantèlement de certains stéréotypes. Le film annonça l'arrivée d'un nouveau rapport entre hommes et femmes.
La magnifique Scarlett O’Hara, habituée aux attentions des hommes, attend les yeux fermés le baiser de Rhett Butler... baiser qu'il lui refuse, sous prétexte qu'elle est trop superficielle.
Le baiser éternel
Ce baiser légendaire entre Humphrey Bogart et Ingrid Bergman appartient au passé, même dans le film: une rétrospective des jours heureux à Paris avant que la guerre et les Nazis ne changent tout. C'est ainsi le parfait baiser de cinéma, puisque son souvenir est indestructible: "We will always have Paris …".
Seulement des recommandations
Ce ne sont pas des règles, seulement des recommandations. "Certains l'aiment chaud" n'a pas pris très au sérieux les directives moralisatrices du code Hays, code de censure régissant la production des films américains établi en 1930. Venu d'Allemagne, le réalisateur Billy Wilder se faisait un plaisir de remettre en question les règles de Hollywood, y compris le code Hays. En suivant les recommandations moralisatrices de Will H. Hays, l'industrie du cinéma assurait l'ordre et la discipline.
Tout y est dans Certains l'aiment chaud": baisers passionnels et extraconjugaux, séducteurs, travestissement et une Marilyn Monroe chargée d'enseigner au millionnaire soi-disant insensible, incarné par Tony Curtis, comment embrasser une femme.
Timide, mais révolutionnaire
Avec ce classique moderne, Stanley Kramer ose aborder le tabou du racisme à une époque où la ségrégation était abolie depuis longtemps aux Etats-Unis, officiellement du moins. Il met en scène une fille de bonne famille qui présente son fiancé à ses parents.
Mais elle ne leur dit pas qu'il est afro-américain. C'est pourquoi le film demeure un peu timide. Le réalisateur met en scène le baiser entre les deux amoureux au début du film à l'arrière d'un taxi, baiser que l'on entrevoit à travers le rétroviseur.
Nouveaux mondes, nouveaux baisers
Conformément aux souhaits du réalisateur de Star Trek (1968), la série télévisée n'a pas seulement fait tomber des barrières intergalactiques, mais voulait aussi lutter contre le racisme. Le Capitaine James T. Kirk (William Shatner) embrasse dans cet épisode son lieutenant Uhura (Nichelle Nichols).
Cette scène, perçue par certains Américains comme une provocation, a été longtemps considérée comme le "premier baiser interracial" à la télévision américaine. Mais depuis, des historiens de la télévision ont trouvé des exemples plus anciens.
Les toons aussi veulent qu'on les embrasse
Double tabou, Jessica Rabbit est non seulement un personnage de cartoon, mais elle est en plus mariée. Le tout premier baiser (manqué) entre un acteur et un personnage de cartoon aurait eu lieu entre la sublime Jessica Rabbit (doublée par Kathleen Turner et par Amy Irving pour le chant) et Bob Hoskins.
Toutefois, au lieu de poser ses lèvres sur les siennes, Jessica Rabbit tire le chapeau de la tête du pauvre Bob et lui pose sur le visage, puis à la deuxième tentative, elle le saisit par la cravate avant de le laisser retomber dans son fauteuil.
Le baiser culte
Le baiser entre Leonardo DiCaprio et Kate Winslet sur la proue du "Titanic" est devenu un des grands classiques du cinéma moderne. Et notamment parce que sa mise en scène nous rappelle le film typiquement hollywoodien: éclairage et ambiance "seuls au monde".
L'amour ne connaît pas de limites
Pas aussi simple qu'il n'y paraît: embrasser quelqu'un tout en étant pendu à un fil. Un autre baiser légendaire fut celui échangé entre Spider-Man (Tobey Maguire) et Mary (Kirsten Dunst) sous la pluie. Il est pendu la tête en bas à son fil d'araignée, elle remonte délicatement la partie inférieure de son masque et l'embrasse passionnément sans connaître sa véritable identité.
Quand embrasser choque encore les esprits
Des cow-boys qui s'embrassent. Voilà comment un baiser peut encore choquer, même en 2005.
En 2005, Hollywood parvient encore une fois à faire fulminer les Américains conservateurs. Avec son film Le secret de Brokeback Mountain", le réalisateur Ang Lee brise les dernières conventions en matière de virilité en accompagnant deux cow-boys tout au long de leur coming out douloureux. Le premier baiser sous la tente, près du feu de camp, est très vite devenu un classique.
Pendant très longtemps, le cinéma n'était pas seulement l'endroit le plus discret pour s'embrasser, mais aussi l'endroit idéal pour apprendre comment faire. Le cinéma a beaucoup contribué à l'iconographie du baiser ainsi qu'aux rêves passionnels que la réalité ne pourra jamais égaler.
Michael Sennhauser (SRF)/mcc