Dans "Un étranger dans le village" (à revoir ci-dessus), l'homme partage son expérience de noir parmi les blancs dans le village valaisan de Loèche-les-bains, qui avait alors peu à voir avec la station actuelle (!), et où les habitants n'avaient probablement jamais vu quelqu'un de couleur.
Les enfants crient "nègre, nègre" quand il passe dans les rues et, s'il s'arrête quelques minutes au soleil, l'un d'entre eux finit toujours par s'approcher pour toucher ses cheveux crépus. C'est ainsi que l'écrivain américain, qui s'exprime dans un français ciselé, décrit son quotidien face à la caméra du réalisateur suisse Pierre Koralnik.
Dans le récit de ce noir homosexuel, détonnant dans le décor enneigé, le village devient le symbole de toutes les communautés qui ont à découvrir l'autre dans son irréductible et admirable différence. Et sous sa plume, son histoire prend valeur de conte philosophique à valeur universelle.
Drame racial et accords de blues
"Je m'imaginais des blancs arrivant pour la première fois dans un village africain, aussi étrangers là-bas que je le suis ici, et je cherchais à me figurer la population stupéfaite touchant mes cheveux et s'étonnant de la couleur de ma peau", raconte James Baldwin. Il poursuit: "Il y a une grande différence à être le premier blanc vu par des Africains et le premier noir vu par des blancs, car les blancs considèrent l'étonnement comme un hommage car ils arrivent pour conquérir des indigènes dont ils ne mettent pas en doute l'infériorité".
Sur fond d'accords de blues, l'écrivain partage ainsi pendant 28 minutes les éléments d'une analyse complexe du drame racial aux Etats-Unis, de la rage et du mépris qu'il alimente.
Cette réflexion, qui reste d'une actualité sidérante même trente ans après sa mort, se retrouve dans toute l'oeuvre de James Baldwin, remise sur le devant de la scène par les mouvements de défense des droits civiques tels que Black Lives Matter et, au cinéma, dans le film "I am not your negro" du réalisateur haïtien Raoul Peck, récompensé récemment dans plusieurs festivals.
jgal