Publié

Le 70e Festival de Cannes s'ouvre mercredi avec "Les fantômes d'Ismaël"

Arnaud Desplechin. [AFP - Lionel Bonaventure]
Entretien avec Arnaud Desplechin / Nectar / 53 min. / le 16 mai 2017
Le cinéaste français Arnaud Desplechin présente mercredi hors compétition "Les fantômes d'Ismaël" en ouverture du 70e Festival de Cannes. Son onzième film réunit notamment Mathieu Amalric, Marion Cotillard et Charlotte Gainsbourg.

Cinéaste habitué de la Croisette – cinq de ses films ont déjà concouru pour la Palme d’or -, membre du jury l’an dernier, Arnaud Desplechin se dit intimement lié au Festival de Cannes, qui l’a consacré comme auteur. "J’ai été très ému que Thierry Frémaux, directeur artistique, me choisisse pour ouvrir cette 70e édition. C’est une place de choix, plus agréable à occuper que lorsqu’on est en compétition avec d’autres films français et qu’on n’échappe pas aux polémiques. Cela magnifie le film et ça me touche de pouvoir offrir cela à mes acteurs."

Histoire d'amour et d'espionnage

Et des acteurs, le cinéaste en met en scène d’excellents dans "Les fantômes d’Ismaël". Mathieu Amalric, son compagnon de route depuis vingt ans, interprète l’Ismaël du titre, un cinéaste névrosé tiraillé entre deux femmes, Sylvia (Charlotte Gainsbourg) et Carlotta (Marion Cotillard), son épouse disparue vingt ans auparavant qui resurgit soudainement.

Une histoire d’amour, donc, mais aussi une histoire d’espionnage, un film dans le film avec Louis Garrel et Alba Rohrwacher. Car Desplechin se plaît à mêler les bribes de fictions et à multiplier les aventures, dans tous les sens du terme. Un cauchemar à écrire et à monter, dit-il, mais un bonheur à tourner.

Face à Gainsbourg et Cotillard, j’avais un trac fou.

Arnaud Desplechin

Face à ses deux actrices cependant, Desplechin avoue avoir ressenti une certaine peur. "Diriger Gainsbourg et Cotillard en même temps, c’est très impressionnant, confie le cinéaste. Je les vénère et j’avais un trac fou. J’avais peur de les décevoir, peur de ne pas réussir à obtenir d’elles une performance qui soit singulière. Allais-je oser leur demander de faire sonner une note non seulement juste, mais unique? Tout cela m’emplissait d’angoisse."

>> L'interview d'Arnaud Desplechin :

Arnaud Desplechin parle de son film "Les Fantômes d'Ismaël"
Arnaud Desplechin parle de son film "Les Fantômes d'Ismaël" / L'actu en vidéo / 1 min. / le 16 mai 2017

Référence à Hitchcock

Le personnage de Carlotta (Marion Cotillard) rappelle l’ancêtre de Madeleine, jouée par Kim Novac dans "Vertigo", d’Alfred Hitchcock (1958). Coscénariste de son film, Desplechin assume évidemment la référence. "Le deuil de Mathieu Amalric, veuf qui pleure sa femme, me rappelle évidemment le chagrin de James Stewart. Hitchcock m’a fait naître au cinéma, mais jamais nous ne nous sommes sentis écrasés par la référence. Nous créons du cinéma au présent. Je voulais que Marion joue un personnage simplement et insolemment vivant."

"Pour interpréter Sylvia, la compagne d’Amalric, me plaisait chez Charlotte Gainsbourg son audace folle, un feu qu’on voit nulle part mieux que dans les films de Lars von Trier, et pour ce personnage-là, qui est une observatrice de la vie, il fallait ce feu sous la cendre. En revanche, la puissance d’un mythe qui revient, et la capacité à se débarrasser du mythe, c’est un trait de Marion Cotillard. Marion est incontournable depuis "La Môme" et pourtant, elle reste insituable dans le paysage du cinéma. Elle fabrique son propre mythe et se réinvente à chaque film. C’est quelque chose de très américain et cela explique certainement son succès aux Etats-Unis."

Raphaele Bouchet/olhor

"Les fantôme d'Ismaël", en salle le 17 mai dans une version raccourcie de 20 minutes comme à Cannes.

Publié

Marion Cotillard: "Retrouver Arnaud, c’était irrésistible"

Il y a vingt ans, Marion Cotillard tournait une scène dans "Comment je me suis disputé…", d’Arnaud Desplechin. Elle retrouve le cinéaste aujourd’hui dans "Les fantômes d’Ismaël", où elle interprète Carlotta, une épouse disparue vingt ans auparavant qui resurgit dans la vie de son mari cinéaste.

"Retrouver un cinéaste vingt ans après et interpréter un personnage qui lui-même a disparu durant vingt ans, c’était irrésistible, évidemment, raconte Marion Cotillard. Arnaud Desplechin avait un amour contagieux pour le personnage de Carlotta. C’est lui qui m’a fait découvrir son insolence et son mystère. C’est à travers ses mots que j’ai trouvé des pistes et des clés. Et je me suis jetée dans le rôle sans filet."

Arnaud Desplechin: "J’aurais voulu primer Jim Jarmusch"

L’an dernier, Arnaud Desplechin faisait partie du jury qui décernait sa palme d’or à "Moi, Daniel Blake", de Ken Loach. Le cinéaste se souvient que deux films avaient unanimement bouleversé le jury, celui de Ken Loach et "Juste la fin du monde", de Xavier Dolan. "Les discussions ont été interminables pour savoir quel prix on leur donnait", raconte Arnaud Desplechin, qui préfère nettement être "du côté des accusés que de celui des juges".

Il le concède, il regrette ne pas avoir réussi à défendre la poésie de "Paterson", le film de Jim Jarmusch. "On a commencé le tour de table et chaque membre du jury, l’un après l’autre, débinait les poèmes de "Paterson". On l’avait vu une demi-heure auparavant, donc je n’avais pas eu le temps de passer un coup de fil à un ami américain pour qu’il me renseigne sur le statut de celui qui a écrit les poèmes du film, Ron Padgett. J’étais le dernier à parler et j’étais le moins anglophone de tous. J’ai dû dire avec une voix fluette "excusez-moi, mais il me semble que cette poésie est magnifique". Mais mon accent de Roubaix invalidait complètement mon propos. C’est le seul film pour lequel je n’ai pas réussi à communiquer mon enthousiasme."