C’est l’histoire d’un couple qui se déchire. Comme dans "Scène de la vie conjugale" de Ingmar Bergman. Sauf qu’eux, ils s’engueulent à longueur de journée avec une violence rare et permanente. Et ils détestent aussi leur fils. Ou plutôt, ils se foutent éperdument de ce "gamin", parce qu’un "gamin, ça chiale pour un rien".
L’enfant disparaît. Il a fugué, le vilain. Alors, les recherches s’organisent.
Cinglant, tendu et beau. Le nouveau film du Russe multiprimé Andrey Zvyagintsev ("Leviathan", "Elena", "Le Retour") est formellement aussi brillant que ses précédents. Les rimes visuelles, le plan séquence, les travellings, la musique assourdissante.
La virtuosité en marche, au service de l’acuité du propos, politique forcément. Et vlan, une bonne baffe en début de compétition.
Sonder l'âme russe
Mais Zvyagintsev a fait mieux. Il a surtout fait moins lourd. Pourquoi charge-t-il autant ses personnages? Pourquoi filme-t-il ces parents défaillants jusqu’à les rendre obscènes, sans leur laisser la moindre échappatoire? Tout est verrouillé, d’emblée. Et surligné, de la psychologie des personnages (une mauvaise mère en engendre une autre) à la dimension politique.
On file les métaphores faciles, pour être sûr que tous les spectateurs auront bien compris qu’il s’agit, à travers ce couple irréconciliable, de faire le portrait de la Russie contemporaine, sa déprime, ses divisions internes. Pour davantage de complexité, passez votre chemin.
Raphaële Bouchet/mcc