Après Barbara et Godard, voici Rodin. Le film de Jacques Doillon, qui n’était plus revenu en compétition depuis 1984, sort également aujourd’hui dans les salles. Au casting, Vincent Lindon dans le rôle du sculpteur et Izïa Higelin dans celui de Camille Claudel.
Le film s’ouvre en 1880, Rodin a quarante ans, il est déjà célèbre. L’État s’apprête à lui passer sa première commande, "La Porte de l’enfer", d’après Dante. Et Doillon de raconter Rodin au quotidien, dans son atelier, ivre de son travail et de son art au point de maltraiter ses deux amours, Rose, sa compagne de longue date, et Camille Claudel, son élève et amante.
Apprendre la sculpture
Pour incarner ce personnage inflexible, Vincent Lindon, comme d’habitude, n’a pas fait les choses à moitié. Des mois à apprendre la sculpture. Des heures de lecture. Mais c’est par la barbe que Vincent Lindon a pu se glisser dans le personnage.
Cette (vraie) barbe qu’il a fort touffue a accompagné son cheminement pour devenir Rodin. "J’aurais pu demander une fausse barbe, dit-il dans l’émission Nectar. Mais il y aurait eu des inconvénients. Le matin, on vous la met, le soir, on vous l’enlève. Vous êtes Rodin la journée, Vincent le soir. Cela ne tient pas debout."
Voilà pourquoi l’acteur, à la seconde où il a dit oui à Jacques Doillon, s’est laissé pousser la barbe. "Les premiers jours j’étais un homme mal rasé, donc négligé. Plus tard, j’ai vécu la pire période, celle où j’avais envie de m’excuser dans la rue parce que j’avais peur qu’on croie que je suivais la mode hispter. ça me rendait dingue, parce que je n’ai jamais suivi les modes, ni celle-là ni une autre."
Tout cela s’est terminé avec une grosse barbe extrêmement fournie. La pousse de la barbe a accompagné ses progrès en sculpture, raconte l’acteur, qui prenait des cours tous les jours. "Plus ma barbe progressait, plus je progressais en sculpture. C’est comme la barbe j’ai fini par savoir un peu de quoi il s’agissait en matière de sculpture quand, physiquement, je suis devenu Rodin."
Surtout, ne pas imiter
Vincent Lindon n’a regardé aucun film sur la vie de Rodin – "Camille Claudel", de Bruno Nuytten, par exemple, avec Isabelle Adjani et Gérard Depardieu.
Je ne voulais surtout pas le voir bouger. J’ai lu les textes de Rilke, je suis allé au musée une ou deux fois par semaine. Mais je ne voulais surtout pas le voir interprété par quelqu’un d’autre. Cela ne m’intéressait pas. Je voulais faire travailler mon fantasme à son maximum. Je voulais qu’on me parle de sa manière de s’exprimer, de sa folie du travail, de son côté décevant, de son culte du moi. De sa cruauté aussi, car pour lui, le monde pouvait s’écrouler, seul comptait son art.
Vincent Lindon ne voulait surtout pas tomber dans le biopic traditionnel et académique, comme le sont souvent les récits de vie de personnages historiques. Il ajoute encore: "On devient un personnage par l’intellect, par ce qu’on dit, par ce qu’on pense, pas par l’imitation des mouvements."
Raphaële Bouchet/mcc