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Qui a (encore) peur du Festival du film de Zurich?

Le programme du Zurich Film Festival 2017. [Keystone - Walter Bieri]
Cinéma: Qui a (encore) peur du Festival de Zurich? / Vertigo / 8 min. / le 28 septembre 2017
La 13e édition du Festival du film de Zurich a ouvert ses portes jeudi soir, avec 160 films au programme. Craint et critiqué durant plusieurs années, le festival ne semble plus faire peur à ses concurrents aujourd'hui.

Comme chaque année, la liste de stars présentes au Festival du film de Zurich est longue comme le bras: jusqu'au 8 octobre, Glenn Close, Jake Gyllenhall et même l’ex-politicien Al Gore fouleront le tapis vert zurichois.

Une croissance exponentielle

Ses paillettes, sa ligne artistique floue et sa proximité avec les sponsors lui ont, dès ses débuts, attiré les foudres. "Zurich est un festival bocal", pouvait-on lire en 2005 dans les colonnes du "Temps", sous la plume de Thierry Jobin, aujourd'hui directeur du Festival de Fribourg. Qui tirait un bilan cinglant de la première édition du festival: "Tout dans le contenant (cocktail, parties, médias), rien dans le contenu."

Comment a évolué cette réputation? Zurich a-t-il vraiment fait de l’ombre aux autres festivals, Locarno en particulier, en chipant films, sponsors et subventions? En douze ans et treize éditions, le festival a crû de manière exponentielle. Il attire désormais plus de 90'000 spectateurs, contre 8000 en 2005. Quant à son budget, il dépasse les 7 millions de francs. Changement notoire également: le festival a été racheté l’an dernier par un média, la NZZ, une première en Suisse (lire encadré).

Une ligne plus claire

"Sa réputation n’a pas vraiment changé, mais il a pris de plus en plus de place", concède Emmanuel Cuénod, directeur du GIFF (Geneva International Film Festival), qui s’est associé cette année à Zurich et Locarno pour l’organisation d’un débat sur le cinéma suisse.

"Il y a encore quelques années, sa ligne était floue, ce qui a suscité beaucoup d'angoisses et de craintes de la part des autres festivals. Aujourd'hui, on voit mieux où il se situe, poursuit Emmanuel Cuénod. Nous, Romands, ne sommes pas en concurrence avec sa programmation artistique. La compétition germanophone, par exemple, ne nous intéresse pas vraiment. C’est un festival de galas, avec des stars, qui accompagnent les films et viennent signer des autographes. C’est un programme en soi et il faut le respecter. Zurich a tout à fait sa place dans le paysage des festivals en Suisse."

>> À lire : Glenn Close recevra un Golden Icon Award au Zurich Film Festival

Glenn Close, ici lors de la cérémonie des Evening Standard Theatre Awards à Londres en novembre 2016. [AFP - Daniel Leal-Olivas]
Glenn Close, ici lors de la cérémonie des Evening Standard Theatre Awards à Londres en novembre 2016. [AFP - Daniel Leal-Olivas]

Zurich, un festival de galas

Président du Festival de Locarno depuis dix-sept ans, Marco Solari l’admet, il s’est longtemps inquiété de cette concurrence. Il s’en amuse aujourd'hui. "Que voulez-vous, quand vous tombez amoureux d’une femme, vous souhaitez la mort de tous vos rivaux", déclarait-il cet été à Locarno, lors de la 70e édition du plus important festival de Suisse.

Marco Solari pensait que Zurich ferait "beaucoup de mal" à Locarno. "Car il y a tout à Zurich, l’argent, les infrastructures et la presse, qui sait faire d’un événement zurichois un événement d’importance nationale". Avec le temps, Zurich s’est profilé comme un festival de galas. Rien à voir avec la ligne de Locarno, où, "chaque film est un engagement". Et puis, à l’arrivée, ajoute-t-il, "c’est Locarno qui représente la créativité suisse sur les billets de 20 francs, pas Zurich".

Raphaele Bouchet/mh

Zurich Film Festival, jusqu'au 8 octobre 2017.

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Une question d'indépendance

L’été dernier, le Festival du film de Zurich a été racheté par un média, la NZZ, "ce qui pose des questions quant à l’indépendance artistique du festival", explique Isabelle Chassot, cheffe de l’Office fédéral de la culture. Le canton et la Ville de Zurich ont annoncé que, malgré tout, ils continueraient de soutenir financièrement le festival. L’Office fédéral de la culture a prolongé sa subvention de 250'000 francs, mais n’a pas encore décidé si ce soutien serait maintenu.

"C’est la procédure normale. Quand des changements importants interviennent dans la structure d’un festival, nous réévaluons son cas. Nous sommes encore en discussion avec le festival, car son rachat pose des questions de principe qui pourraient concerner d’autres festivals à l’avenir". Le rachat du festival par un média, une première en Suisse, n’est pas un problème en soi, selon Mme Chassot. "Ce qu’il faut examiner, c’est comment les deux entités – le festival d’un côté, la NZZ de l’autre – collaborent, si la transparence est de mise et si la liberté artistique est garantie." La décision devrait tomber d'ici à la fin de l’année.