"Je pense que la bande dessinée moderne, c'est Goscinny", conclut Jean-Pierre Dionnet, le rédacteur en chef de Métal Hurlant. Une manière pour le magazine français de bande dessinée culte de payer son tribut à René Goscinny, sous la houlette duquel le journal Pilote, créé avec Albert Uderzo et Jean-Michel Charlier, révolutionna la BD européenne à partir des années soixante.
Dans "René Goscinny, l'oncle d'Armorique", documentaire logiquement débordant d'humour et d'inventivité comme le scénariste français, il est évidement question de l'héritage laissé par le père d'"Astérix", "Lucky Luke", "Iznogoud" ou encore du "Petit Nicolas" et parrain de dessinateurs tels que Moebius, Gotlieb, Bilal, Brétécher, Tardi ou Reiser.
Un auteur qui a marqué plusieurs générations par "une culture populaire de qualité", comme tend à le démontrer le film de Guillaume Podrovnik et Pierre Maïllis-Laval. Une conviction pour Goscinny. Avec plus de 500 millions d'albums vendus à ce jour, c'est l'un des écrivains français les plus lus au monde.
Tout cela grâce, surtout, au succès monumental d'"Astérix". Un mythe BD inventé avec Uderzo en une après-midi de 1959, en deux heures sur un coin de table, en se souvenant des premières pages des manuels d'histoire dédiés aux ancêtres gaulois. André Marlaux, écrivain-ministre de la Culture lui dira à ce propos: " Monsieur Goscinny, j'ai beaucoup parlé des mythes mais vous avec "Astérix", vous avez créé un mythe. Et bien, c'est très supérieur", rapporte dans le film Pierre Christin, scénariste de "Valérian".
Pour Hugues Dayez, spécialiste de la bande dessinée, ""Astérix" aujourd'hui, c'est du patrimoine national. Et quand on lit soigneusement les albums, c'est quand même une vision extrêmement caustique de l'esprit français, ça flingue le Français moyen à tout va (...), ça stigmatise l'esprit chauvin. Et ça c'est lié au fait que Goscinny a passé une grande partie de sa vie en dehors de la France". Chez Goscinny, poursuit Hugues Dayez, il y a à la fois "de l'humour juif, de l'autodérision, de l'humour absurde anglo-saxon, de la parodie".
De l'Argentine à la France via les Etats-Unis
Mais au fil de "René Goscinny, l'oncle d'Armorique", du nom du petit coin de Bretagne romaine qui abrite le village gaulois rebelle imaginaire d'Astérix et Obélix, c'est aussi le portrait de l'homme exigeant au parcours mouvementé derrière l'humoriste de génie qui se dessine en creux. Une destinée qui débute à Paris le 14 août 1926, puis se poursuit durant l'enfance en Argentine, avant sept années à New York.
En 1943, son père meurt d'une crise cardiaque à Noël et laisse la famille sans ressources. Goscinny devient dessinateur dans une agence de pub et sa première mission est de concevoir les étiquettes d'une bouteille d'huile d'olive. Il y apprend ensuite le métier de scénariste au côté de l'équipe du futur Mad Magazine, dont l'impertinente spécialité est le dynamitage des codes qui l'inspirera profondément pour son oeuvre.
Olivier Horner
"René Goscinny, notre oncle d'Armorique", documentaire de Guillaume Podrovnik (F, 2017, 52 min). Disponible en ligne jusqu'au 1er novembre.