De "Que la fête commence" à "Un éléphant ça trompe énormément" en passant par "Les grands ducs" ou "Ridicule", Jean Rochefort était présent sur grand écran depuis plus de 60 ans.
Le gentleman à la voix chaude avait été récompensé par deux César du meilleur acteur ("Que la fête commence" en 1976, "Le Crabe-Tambour" en 1978) et par un César d'honneur en 1999 pour l'ensemble de sa carrière.
Une carrière avortée de comptable
Son père le destinait à une carrière de comptable. Il y a vite échappé pour entrer au Conservatoire à Paris. C’est là qu'il s'est lié d’amitié avec Jean-Pierre Marielle et Jean-Paul Belmondo avant de monter sur les planches.
Au milieu des années 1950, il est apparu au cinéma dans des rôles secondaires. La décennie suivante, Jean Rochefort connaît déjà le succès, notamment dans trois épisodes d’"Angélique, marquise des anges" et aux côtés de Belmondo dans "Cartouche", puis "Les tribulations d’un Chinois en Chine", réalisés par Philippe De Broca.
J'appartiens au patrimoine. Il y a le jambon de Bayonne, Noiret, Marielle et moi"
Il est encore bord cadre, mais impose sa moustache, sa silhouette émaciée, son humour pince sans-rire, son côté parfois cabotin aussi. En 1970, il explose et accède à des rôles principaux, dans des comédies ou des films plus dramatiques, comme "L'horloger de Saint Paul" de Bertrand Tavernier, qui le fait tourner à nouveau dans "Que la fête commence ".
Des films "avoines"
Certes, il a beaucoup tourné et admet volontiers que sa carrière compte pas mal de navets. Des oeuvres qualifiées, selon ses propres termes, de "films avoines", parce qu'elles n’avaient d’autre enjeu que de financer sa passion hippique.
Avec Yves Robert, c’est autre chose. Du "Grand blond avec une chaussure noire" et sa suite, à "Salut l’artiste", en passant par "Un éléphant, ça trompe énormément" et "Nous irons tous au paradis", Rochefort affirme son statut d’acteur populaire. Il teinte ses personnages d’une touche de poésie, d’absurde. Poésie et absurde que Patrice Leconte poussera encore plus loin. Là aussi, Rochefort tournera 7 films avec le réalisateur de "Ridicule" qui lui offre deux films magnifiques, tragicomiques.
Deux rôles de antihéros lunaires, marginaux. Dans "Le mari de la coiffeuse", il joue un homme qui focalise tout son désir sur les coiffeuses et finit par en épouser une. Son monde, c’est celui des salons capillaires et Rochefort se lance dans un numéro d’acteur mémorable. Il est drôle, touchant, et s'envole même lors de scènes où il danse sur de la musique orientale.
"Tandem" et "Floride"
Et puis, dans "Tandem", il est Michel Mortez, animateur de radio d’une émission ringarde bientôt déprogrammée. Avec son second, Gérard Jugnot, il parcourt la France des petites villes et s’emporte quand il voit un couple en train de pique-niquer au bord d’une autoroute…
Son tout dernier film remonte à 2015, "Floride", de Philippe Le Guay, où il jouait le père de Sandrine Kiberlain. Un père touché par Alzheimer qui finit par masquer la réalité en fuyant dans son imaginaire. Un personnage qui correspond bien à Jean Rochefort qui a traversé soixante ans de cinéma avec une constance et une atemporalité incroyables.
Passionné d'équitation
Cocher et éleveur de chevaux, Jean Rochefort était un passionné d'équitation, devenant même consultant pour la télévision française lors des Jeux olympiques de 2004 et 2008.
Ce père de cinq enfants nés de trois femmes différentes, qui avait été hospitalisé en août dernier, est mort dans un établissement parisien, a précisé sa fille.
Rafael Wolf/boi avec agences
Des hommages unanimes
La ministre de la Culture et le monde du cinéma ont rendu hommage unanime à Jean Rochefort et à sa longue carrière.
Profonde tristesse après le décès de Jean Rochefort, acteur élégant, attachant, populaire. Un grand maître.
— Francoise Nyssen (@FrancoiseNyssen) 9 octobre 2017
Nous penserons toujours à Jean #Rochefort. Chapeau à l’artiste, à l’éternelle élégance de l’homme, à l’inimitable panache de l’acteur. pic.twitter.com/7j4v5Q7tKD
— Festival de Cannes (@Festival_Cannes) 9 octobre 2017
Grande tristesse, #JeanRochefort incarnait la classe l’élégance et la Culture, il manquera beaucoup au public et au métier.
— Christian Clavier (@Ch_Clavier) 9 octobre 2017
"Pour moi, c'était un dieu (...) Il pouvait à la fois être très drôle, très féroce, très comique, très burlesque et en même temps magnifique dans le drame", a de son côté déclaré Gérard Jugnot sur RTL.
Pour Brigitte Bardot, "c'est toute une génération qui disparaît (...) une hécatombe d'étoiles qui s'éteignent» avec la mort de l'acteur, «élégant, dandy, lord et amoureux des chevaux".
Les principaux films de Jean Rochefort
1961: "Le capitaine Fracasse" (Pierre Gaspard-Huit)
1961: "Cartouche" (Philippe de Broca)
1962: "Le masque de fer" (Henri Decoin)
1964-65: "Angélique marquise des Anges" (Bernard Borderie)
1965: "Les tribulations d'un Chinois en Chine" (Broca).
1972: "Le grand blond avec une chaussure noire" (Yves Robert)
1973: "Comment réussir dans la vie quand on est con et pleurnichard" (Michel Audiard)
1974: "Le retour du grand blond" (Yves Robert)
1974 "Les Innocents aux mains sales" (Claude Chabrol)
1975: "Que la fête commence" (Bertrand Tavernier)
1975: "Calmos" (Bertrand Blier)
1976 : "Un éléphant, ça trompe énormément" (Robert)
1977: "Le crabe-tambour" (Pierre Schoendoerffer)
1977: "Nous irons tous au paradis" (Yves Robert)
1987: "Tandem" (Leconte)
1993: "Tango" (Patrice Leconte)
1994: "Prêt-à-porter" (Robert Altman)
1996: "Ridicule" (Patrice Leconte)
2001: "Le placard" (Francis Veber)
2006: "Ne le dis à personne" (Guillaume Canet)
2012: "Astérix et Obélix : Au service de sa majesté" (Laurent Tirard)