Danielle Darrieux ne voulait même pas être comédienne. Elle a dit un jour dans une interview: "J’ai été posée là par hasard. J’ai même cru que c’était une blague". Et pourtant, elle aura traversé huit décennies de cinéma.
Archétype de la beauté féminine pour les générations d'avant-guerre, elle a été l'inoubliable partenaire de Jean Gabin dans "La Vérité sur Bébé Donge" (1953) et Gérard Philipe dans "Le Rouge et le Noir" (1954).
Née le 1er mai 1917 à Bordeaux, elle tourne à 14 ans son premier film, "Le Bal". Appréciée pour sa blondeur charmante et sa fraîcheur espiègle, elle joue dans des comédies avant d'aborder des rôles plus dramatiques et de triompher dans "Mayerling" aux côtés de Charles Boyer (1935).
Jacques Demy relance l'actrice dans "Les Demoiselles de Rochefort"
Parallèlement, elle mène dès 1932 une carrière internationale qui la conduira à Hollywood et à Broadway. Egérie d'Henri Decoin, DD, comme on l'appelait, tournera une demi-douzaine de films sous sa direction.
Malmenée à la Libération (sous l'Occupation, elle a travaillé pour la Continental, dirigée par les Allemands), elle reprend néanmoins sa carrière et enchaîne les succès, dont "La Ronde" et "Madame de..." (Ophüls), "L'affaire Cicéron" (Mankiewicz) ou "Marie-Octobre" (Duvivier).
En lui donnant un rôle dans "Les Demoiselles de Rochefort" (1967), Jacques Demy relance la comédienne qui, à 50 ans, continue d'incarner des personnages de femme élégante et drôle.
Sa rencontre avec Demy constitue aussi pour Danielle Darrieux l'occasion rêvée de montrer qu'elle n'est pas qu'une très grande actrice. C'est aussi une délicieuse chanteuse: née dans une famille de mélomane, fille d'une cantatrice célèbre, elle n'avait pas trop le choix, raconte-t-elle à la dans l'émission Instants du monde de la Radio suisse romande en 1957.
Carrière au théâtre à partir de 1969
A partir de 1969, Danielle Darrieux commence à se produire au théâtre, interprétant Feydeau, Guitry ou Marcel Aymé. En 2003, seule en scène, elle crée "Oscar et la dame rose" d'Eric-Emmanuel Schmitt, qui lui vaut un Molière.
Sous la direction de Paul Vecchiali ("En Haut des marches", 1983) ou d'André Téchiné ("Le Lieu du crime", 1986), l'actrice montre ensuite qu'elle n'a rien perdu de sa verve. En 2002, François Ozon la choisit pour "Huit femmes".
Dernière apparition à l'écran en 2010
Ses collaborations artistiques vont se poursuivre, jusqu’à la fin de sa vie ou presque: on la retrouvera dans le film d’Anne Fontaine "Nouvelle chance", à l’âge de 90 ans, et elle prête sa voix à l’inénarrable grand-mère de Marjane Satrapi dans le film animé "Persepolis". Elle a encore travaillé pour le cinéma et la télévision en 2010. Sa dernière apparition à l’écran remonte à 2010, dans "Pièce montée" de Denys Granier-Deferre.
olhor/ic/rb avec afp
"Elle a toujours joué des rôles de femmes qui étaient modernes pour leur temps"
Si Danielle Darrieux a connu tous les âges du cinéma, elle était très modeste. Et disait d’elle-même qu’elle n’était pas une actrice inspirée, mais qu’elle marchait à l’instinct, refusait souvent les répétitions. Elle a tout joué selon son âge, les jeunes filles séduisantes, les épouses, les mères, les grand-mères.
Pour Jeanne Rohner, qui rédige une thèse sur les vedettes du cinéma français dans les années 40 et 50 à l’Université de Lausanne, la longévité de Danielle Darrieux s’explique par le fait qu'elle a toujours joué des rôles de femmes qui étaient modernes pour leur temps.