Modifié

La route de l'exil constitue le thème majeur de la Berlinale

Fortuna, un film de Germinal Roaux. [RTS - VEGA Production / Need Productions]
Fortuna, un film de Germinal Roaux. - [RTS - VEGA Production / Need Productions]
Cette année, c'est incontestable, les réfugiés ont fait le déplacement jusqu'à la Berlinale. Du moins en images. Zoom sur cinq films sur l'espoir, la lutte et la solitude.

Effectivement, ils sont bien là – sur grand écran, et nous racontent des histoires faites de faim, de soif, de misère, d'impertinence et d'inhumanité.

A travers le désert: "After/Life"

Le désert mexicain, à la frontière américaine, est un charnier. Comme la Méditerranée en Europe – des hommes et des femmes en quête d’une vie meilleure en Amérique du Nord quittent leur terre natale et meurent ici, en plein désert. Ils perdent la raison et finissent par mourir de soif.

Pas un seul cadavre visible dans "After/Life", de la réalisatrice américaine Puck Lo qui fait le choix de se focaliser sur la symbolique des images: une casquette de baseball, une station d'eau d'urgence, l'immensité infinie du désert, un camp militaire US où les hommes s'entraînent à la lutte contre les terroristes islamistes.

Les images sont accompagnées d’interviews des équipes de recherche et de proches de ceux qui se sont perdus en route. Un film choc sans images choquantes.

En mer: "Eldorado"

Le réalisateur suisse Markus Imhoof et ses plus de 70 ans montent à bord d'un bateau de la marine italienne qui recueille 1800 réfugiés au large des côtes libyennes. Les réfugiés veulent aller en Europe, leur "eldorado".

Le tout premier long métrage de Markus Imhoof avait pour titre "La barque est pleine", c'était il y a près de quarante ans. Son film avait pour thème les relations de la Suisse avec les réfugiés juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. "A l'époque", explique Imhoof, "il n'y avait bien sûr pas de bateau dans le film. Aujourd'hui, hélas, c'est la réalité. Même s'il prend un tout autre sens."

Le réalisateur montre des images que nous avons tous vues aux infos. Parallèlement, il nous raconte l'histoire de Giovanna: elle est arrivée dans sa famille en Suisse il y a plus de 70 ans, petite réfugiée d'Italie. Imhoof rappelle avec force l'histoire des réfugiés en Europe.

Incursion dans le passé: "Transit"

Christian Petzold, nommé pour la quatrième fois à la Berlinale, s'est lui aussi penché sur la question des réfugiés. Il met en image "Transit", un roman d'Anna Seghers qui se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale. A Marseille, des réfugiés attendent un visa. Le sésame qui leur permettra de monter à bord du bateau qui les emmènera vers la liberté.

Petzold reste fidèle au roman, mais transpose les événements dans le présent. Il ne voulait pas tourner un "film muséal", mais plutôt apporter "au passé des réponses d'aujourd'hui".

Une belle idée artistique devenue concept: les images des âmes tristes hantées par les nazis errent dans les rues de Marseille et se figent dans des poses oniriques. Ces réfugiés semblent hors du temps, hésitants, flous, lointains.

A la montagne: "Fortuna"

Fortuna (Kidist Siyum Beza) a 14 ans, elle a fui l'Ethiopie pour la Suisse, seule. Elle est hébergée dans un monastère au milieu d'un massif montagneux enneigé.

Les moines et les autorités ne pensent qu'au bien de l'adolescente, mais se montrent incapables de comprendre sa solitude et ses peurs. Fortuna a un secret qu'elle ne peut dire à personne, pas même au père supérieur (Bruno Ganz).

"Je me suis souvent demandé comment aider les réfugiés", explique le cinéaste suisse Germinal Roaux. "Avec ce film, j'ai voulu trouver une réponse."

"Fortuna" est en noir et blanc, les dialogues sont rares. Malgré ou peut-être grâce à cette sobriété, la douleur, la solitude et le sentiment de désolation de la jeune fille sont perceptibles.

>> A lire aussi :

A l'aéroport: "Zentralflughafen THF"

En 2017, quelque 2'000 réfugiés vivaient dans l'aéroport désaffecté de Tempelhof. Censé à l’origine être un hébergement d’urgence pour les réfugiés, beaucoup y ont passé plusieurs mois.

Ibrahim, un Syrien de 18 ans, est l'un d'entre eux. Pour les besoins de son documentaire "Zentralflughafen THF" (THF aéroport central), le réalisateur Karim Aïnouz l'a suivi pendant près d'un an. "Ce film est important car ces personnes restent souvent invisibles" explique Aïnouz.

Le quotidien d'Ibrahim est d'abord une longue attente: des documents, des rendez-vous, des appels de la maison – une attente de ce qu'il adviendra de lui.

Insécurité, fatigue, manque d'intimité – "Zentralflughafen THF" raconte ce qui arrive aux réfugiés lorsqu'ils ont fini de fuir mais sont encore loin d'être arrivés.

Annette Scharnberg/Britta Gfeller (SRF)/ld

>> Article original publié sur SRF Kultur

Publié Modifié