Des Blancs déguisés
Dès sa naissance, le cinéma américain a représenté des personnages noirs. Mais compte tenu des lois ségrégationnistes en vigueur, la plupart de ces rôles étaient joués par des Blancs grimés, les "blackfaces", à l'image de "La Case de l'Oncle Tom" (1903), d'Edwin S. Porter.
Cette première adaptation du roman de l'écrivaine Harriet Beeches Stowe popularisera la figure de l’esclave sympathique et totalement dévoué à son maître. Tom a son pendant féminin, la nounou, qui roule les "r" et qui est prête à se sacrifier pour ses patrons blancs.
L'historien Donald Bogle a relevé trois autres stéréotypes récurrents dans le cinéma américain: le coon, bouffon pleutre et fainéant, figure du grand enfant un peu retardé; le buck, toujours associé à une sexualité brutale, voire animale, homme violent et craint de la population blanche. Enfin, plus rare la métisse tragique, prise entre deux cultures, mais aspirant à devenir blanche ou à être reconnue comme telle.
Naissance d'une nation, naissance d'un racisme ordinaire
L'image des Noirs est donc façonnée par les Blancs et sera durablement négative avec "Naissance d'une nation", de D. W. Griffith, en 1915. Premier blockbuster de l'histoire d'Hollywood, le film évoque la guerre de Sécession et la période de la Reconstruction qui débute avec l'émancipation des esclaves. Son héros est le créateur du Ku Klux Klan et le film affirme sans détour qu'il n'y a de bons Noirs qu'esclaves. Sitôt libérés, ils violent les Blanches et veulent le pouvoir.
Le film est un chef-d'oeuvre, il pose même la grammaire de ce qui deviendra le cinéma, mais son propos est totalement raciste. Au point de mobiliser la communauté noire et de provoquer une contre-attaque cinématographique.