Gréco-turque par son père, suédoise par sa mère, Mathilda May vient de publier "V.O.", une autobiographie qui peut se lire comme un bréviaire de libération. Se libérer d'un complexe d'imposture qui l'a poursuivi pendant des années, de la peur de s'affirmer, de la frustration liée à ses échecs, d'une obéissance à la hiérarchie acquise par la danse, sa première formation.
Quand on ne s'aime pas, on ne s'aime pas, c'est tout. L'estime de soi, ce n'est pas votre apparence qui vous la donne.
"La danse m'a empêchée de ressentir. Elle m'a obligée à faire abstraction de la douleur. En même temps, c'est elle qui m'a permise de tenir, qui m'a donné le goût de l'effort et le sens du dépassement de soi", dit-elle à la RTS. D'ailleurs, Mathilda May avait un surnom: Robocop.
Entre Tati et les Monty Python
Le mot qui revient souvent dans sa bouche, c'est "réinvention". A 53 ans, Mathilda May déploie enfin l'éventail de ses passions sans se soucier des étiquettes.
En témoigne "Open Space", une fresque burlesque sur le monde du travail, qu'elle a conçue et mise en scène en 2014. Un spectacle qui réunit tout ce qu'elle aime: un jeu d'acteurs précis et rythmique, où chaque geste est une chorégraphie, un humour acide, un goût de l'absurde à la Monty Python et une absence de dialogues - mais pas de musicalité - qui fait penser à l'univers de Jacques Tati.
Parler, c'est interpréter la réalité et la traduire, parfois la travestir. En enlevant les mots, on est au plus près du ressenti
Mauvais souvenirs
Son passé est derrière elle, et avec lui ses plus mauvais souvenirs, dont le tournage du "Cri de la Roche" de Werner Herzog, où elle a failli mourir. C'était l'époque où elle se sentait maltraitée par les metteurs en scène, l'époque où elle faisait ce qu'on lui disait de faire, l'époque "où il suffisait que je demande un verre d'eau sur un plateau pour qu'on me traite de casse-couille".
Bons souvenirs
Sa mémoire, elle la réserve aujourd'hui à celles et ceux qui l'ont inspirée. Et dans ce cercle des gens de qualité, il en est un pour lequel son admiration est totale, Prince, qui fut un ami proche et un modèle.
Prince avait toujours l'air frais, avec une adorable odeur de bébé. C'était un acharné du travail. Il a réinventé les codes de l'industrie musicale et fait abstraction des frontières de genre. J'étais ébahie par sa liberté et par son registre vocal incroyable.
Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert
Réalisation web Marie-Claude Martin