Jean-Luc Godard aimait la dispute. "C'est amusant" disait-il au micro de la RTS en 2014, rappelant, non sans ironie, que chez les scouts il avait pour totem "le moineau chamailleur".
Sa virulence, parfois son intransigeance, lui ont valu des inimitiés durables et une rupture définitive avec Truffaut, en 1973.
J'ai pris beaucoup de temps à perdre cette violence de l'accrochage
Godard aimait penser contre. Il avait d'ailleurs déjà choisi son épitaphe, sur la recommandation de sa femme Anne-Marie Miéville: "Jean-Luc Godard, au contraire."
Son désir d'en découdre s'est souvent manifesté face aux honneurs et autres distinctions. Posture de grand bourgeois qui peut mépriser ce que les autres convoitent? Ou méfiance légitime d'un artiste face "aux professionnels de la profession"? Conscience aiguë de la vanité du monde? Ou orgueil suprême? Désir profond de solitude ou coquetterie de diva?
Sa relation avec le vedettariat a toujours été complexe, ambivalente. Ses liens avec le festival de Cannes en témoignent.
Même si l'affiche de la 71e édition lui rendait hommage via "Pierrot le Fou" et que son nom a été cité moult fois lors de la Cérémonie d'ouverture, l'histoire d'amour a été houleuse, et pas forcément réciproque, entre le Rollois et la Croisette.
Premières frictions, en mai 1968. Le cinéaste, qui a déjà été primé à Berlin et Venise mais boudé par Cannes, prend la tête de la contestation avec François Truffaut et exige l'arrêt de la compétition alors que la France entière est en grève.
Je vous parle de solidarité avec les ouvriers et les étudiants, et vous me parlez gros plans et travellings. Vous êtes des cons.
Godard s'énerve, grimpe au rideau du Palais, histoire de rappeler ses aptitudes d'athlète, et obtient l'annulation du Festival.
A la suite de ces événements, il rompt avec le système, remet en cause la notion d'auteur et revient à l'anonymat sous le pseudonyme collectif Dziga Vertov. Ensuite, ce sera, avec Anne-Marie Miéville, la période grenobloise consacrée à la vidéo.