A l'occasion du 71e Festival de Cannes, la chronique "On nous dit rien!" de La Matinale sur La Première propose un décryptage des films qui ont mis en scène l'univers des médias.
Une proposition de Renaud Malik
Adaptation web: Lara Donnet/RTS Culture
"Gone Girl", le tribunal médiatique à l'américaine
David Fincher, 2014
L'histoire se passe dans une banlieue du Missouri. Une jeune femme disparaît. Son mari participe aux recherches, mais très vite on commence à le soupçonner de cacher quelque chose. C'est le début d'une vaste campagne médiatique, ou plutôt d'un procès médiatique, orchestré par une présentatrice télé convaincue que le mari est un assassin. Elle n'hésite pas à le marteler chaque jour en direct.
Le personnage de cette présentatrice un brin caricaturale est inspiré d'une véritable présentatrice télé: Nancy Grace, une ancienne procureure reconvertie en animatrice de talk-show commentant des affaires criminelles.
"Les hommes du président", bombe politique des seventies
Alan J. Pakula, 1976
On se rappelle de "Les hommes du président" et cette fameuse scène de la rencontre entre le journaliste du Washington Post, Bob Woodward et son informateur secret "Gorge profonde". Le film raconte l'histoire d'une grande enquête journalistique. Celle qui a permis de révéler le scandale du Watergate.
Le Watergate, en avril 1976, était une page toujours pas refermée: la démission du président Nixon est encore relativement récente et la presse continue de parler presque quotidiennement de l'affaire et de ses conséquences.
L'idée de faire un film sur le Watergate a germé dès l'été 1972, au moment où l'on apprend que les locaux du parti démocrate à Washington ont été cambriolés dans le fameux immeuble du Watergate. A l'époque, Robert Redford est un grand acteur, mais aussi un grand lecteur du Washington Post. Quand il tombe sur les premiers articles consacrés à l'affaire, il sent qu'il y a une bonne histoire à raconter.
La "Dolce vita" ou l'invention du paparazzo
Federico Fellini, 1960
La "Dolce vita", c'est d'abord cette scène célèbre: Anita Ekberg en robe bustier noire qui se baigne dans la fontaine de Trevi à Rome. Mais c'est bien plus que cela. C'est aussi le film qui a donné naissance au mot "paparazzo". "Paparazzo", dans le film, c'est le nom d'un personnage qui apparaît dès les premières minutes.
Photographe, chasseur de stars, spécialiste des coups fourrés, on le voit notamment se faire jeter d'un restaurant à Rome parce qu'il photographie les clients en douce. Aujourd'hui on dirait que c'est un "paparazzo". Mais à l'époque où sort le film, le mot ne fait pas partie du vocabulaire courant.
Fellini s'est inspiré de faits réels, parce que Rome, à cette époque, est la capitale mondiale des stars et des paparazzi. Toutes les vedettes se retrouvent dans les boutiques et les cafés de la Via Veneto.
La bataille de "Citizen Kane"
Orson Welles, 1941
Un patron de presse mégalomane meurt dans son château californien, et voici ses dernières paroles: "Rosebud".
Comme personne ne comprend pourquoi il est mort en prononçant ce mot, des journalistes décident d'enquêter sur chaque aspect de sa vie: l'argent qu'il a gagné dans le secteur de la presse à sensation, son mode de vie extravagant, ses difficultés financières, sa vie amoureuse compliquée...
Le film est en réalité le portrait du plus grand patron de presse américain de l'époque: William Hearst, géant de la presse à scandale. Le vrai "Citizen Kane", c'est lui.
Hearst a été mis au courant qu'un film allait sortir et qu'il allait en être le héros. Il a absolument tout fait pour le saboter, il a notamment utilisé ses journaux pour orchestrer une campagne de dénigrement contre Orson Welles.
Mais le film est tout de même sorti, même si le succès n'était pas au rendez-vous. Ce n'est qu'une quinzaine d'années plus tard, après la mort de Hearst, que "Citizen Kane" est devenu un grand classique.