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Tedi Papavrami, violoniste virtuose et traducteur d'Ismail Kadare

Le film "Ostinato" de la réalisatrice et productrice Raphaëlle Régnier retrace l'itinéraire de vie singulier du violoniste Tedi Papavrami. [DR]
Les invités: Tedi Papavrami et Raphaëlle Régnier, violon prodigieux / Vertigo / 44 min. / le 18 mai 2018
La journaliste et réalisatrice Raphaëlle Régnier a traversé plusieurs langues et plusieurs pays pour faire le portrait de Tedi Papavrami, musicien prodige d'origine albanaise qui enseigne aujourd'hui à Genève.

Son corps est celui d'un athlète, d'un marathonien ou d'un cycliste. Dans le film de Raphaëlle Régnier, "Ostinato", on le voit courir, chasser avec son chien et sauter à la corde. Le sport est pour lui un calmant. C'est aussi une discipline qui lui permet d'avoir conscience de son corps et d'en faire le partenaire de son instrument.

Le corps à corps avec le violon est beaucoup plus extrême qu'avec un instrument au sol.

Tedi Papavrami, violniste et traducteur d'Ismaïl Kadare

Mais dans "Ostinato" (motif mélodique ou rythmique répété obstinément), on le voit surtout jouer, à plusieurs âges de sa vie, en noir et blanc ou en couleurs, mais toujours avec le même sérieux.

Tedi Papavrami, né à Tirana en 1971, a commencé le violon à quatre ans avec son père, "professeur exigeant et théâtral". A onze ans, il quitte l'Albanie d'Hoxha pour la France. Il est déclaré ennemi du pays. A titre de représailles, une partie de sa famille est internée. Tedi, seul responsable de sa vie désormais, ne retrouvera plus jamais "l'insouciance de son enfance" mais sa carrière internationale est lancée.

A voir, la bande annonce d'"Ostinato":

Son répertoire va de la musique de chambre  aux compositions orchestrales. En 2010, son disque Bach/Bartòk est salué par un Diapason d'or. Aujourd'hui, il enseigne à la Haute école de musique de Genève.

L'apprentissage de l'interprétation

Tedi Papavrami explique sa trajectoire d'interprète en trois temps. Celui de l'enfance où la musique lui était naturelle comme l'air. La période de l'adolescence où l'orgueil le pousse à exprimer tout ce qu'il ressent et possède en lui, au détriment de la spécificité du compositeur. Enfin, troisième étape: l'oubli de son ego pour se mettre au service du compositeur, tout en conservant et cultivant, ce qui fait son essence.

Interpréter, c'est traduire

Si les mots laissent moins de liberté que les notes, les deux sont une affaire d'oreille. Celle de Papavrami l'a conduit à devenir le traducteur officiel de son compatriote Ismail Kadare qui lui fait entièrement confiance.

Dans le film, les deux hommes tentent de trouver la traduction française d'un mot qui ne semble appartenir qu'à la réalité albanaise du temps du communisme d'Hoxha, quelque chose comme "la brutalité d'une gaîté imposée", celle qu'a connue Papavrami enfant.

Je suis content que tu apprécies mon travail. Tu es vivant. Les compositeurs que je joue sont morts et je n'aurai jamais de retour.

Tedi Papavrami à Ismail Kadare

C'est un des moment les plus émouvants du film, un des rares où l'âme tourmentée et mélancolique de Papavrami semble sourire.

Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert

Réalisation web: Marie-Claude Martin

>> "Ostinato" de Raphaëlle Régnier sera présenté en avant-première dimanche 27 mai au cinéma Bio, à Genève, en présence de la réalisatrice et de Tedi Papavram

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