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Un film part à la recherche d'Oum Kalsoum, la diva de l'Orient

L'affiche du film "Looking for Oum Kulthum". [DR]
L'affiche du film "Looking for Oum Kulthum". - [DR]
Le film "Looking for Oum Kulthum" rassemble deux femmes. Sur l'écran, la plus grande diva du monde arabe. Derrière la caméra, Shirin Neshat, star de la Biennale de Venise, photographe et cinéaste iranienne.

Oum Kalsoum ou Oum Kulthum, c'est simplement LA diva de l'âge d'or de la musique orientale. Une carrière menée des années 20 à son décès en 1975. Une épopée. Avec ses concerts fleuves, ses variations vocales incroyables, ses éternelles lunettes noires, ce surnom de "quatrième pyramide d'Egypte" et son enterrement qui fut une transe collective pour le peuple égyptien.

Pour évoquer ce mythe, pas de cinéaste arabe transi, mais une femme, iranienne de surcroit. Shirin Neshat qui a reçu en 1999 le Lion d'Or de la Biennale de Venise. En 2013, elle faisait aussi partie du jury de la Berlinale. Les œuvres de cette artiste résidant aujourd'hui à New York interrogent le statut de la femme dans les sociétés musulmanes. De la photo en noire et blanc mêlée à la calligraphie farsi, Shirin Neshat est passée à la vidéo et finalement de la vidéo au cinéma avec ce deuxième long-métrage.

>> A écouter, l'interview de Shirin Neshat dans "Vertigo" :

L'artiste Shirin Neshat. [AFP - Georg Wendt]AFP - Georg Wendt
Cinéma: Une Iranienne sur les traces dʹOum Kalsoum / Vertigo / 5 min. / le 25 juin 2018

"Looking for Oum Kulthum", ni documentaire ni biopic

C'est l'histoire d'une cinéaste iranienne – Mitra – qui tente de tourner un biopic sur Oum Kalsoum. Un projet complexe et douloureux. Pour des raisons de patrimoine (Oum Kalsoum est intouchable), de politique (la diva appartient pour ainsi dire au peuple égyptien), de genre (une femme aux commandes dans un monde masculin) et enfin de problèmes personnels (la réalisatrice semble avoir sacrifié son rôle de mère pour mener sa carrière). Pour nous conter cette histoire, Shirin Neshat utilise parfois le réalisme magique cher à des écrivains sud-américains comme Gabriel Garcia Marquez. Dans "Looking for Oum Kulthum", on voit ainsi l'actrice égyptienne Yasmine Raïs jouer son personnage de jeune Oum Kalsoum et la vraie diva, décédée en 1975, rendre visite à Mitra telle un fantôme de l'au-delà.

Le film réserve quelques splendides instants de musique ainsi qu'une photographie superbe. Les fans d'Oum Kalsoum seront interloqués (ou peut-être soulagés?) de ne pas découvrir une biographie filmée ou une tentative de cerner cette femme qui ne laissait rien entrevoir de sa vie privée pour construire, chanson après chanson, un mythe vaste comme le monde arabe.

Les spectateurs non-avertis découvriront un film parfois maladroit dans le développement de ses personnages, mais dont l'étrange décalage et le ton feutré donne une terrible envie de se (re)plonger dans les disques de la diva ou dans une biographie de l'immense Oum Kalsoum.

Thierry Sartoretti/ld

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Des chansons d'une heure et plus

Dans "Looking for Oum Kulthum", il est question d'une chanson mythique. Son titre "Ente Omri", soit "Tu es ma vie". liqā’ al-saḥāb, nuée des nuées: c'est ainsi que les Egyptiens désignaient cette chanson longue d'une bonne heure à sa création en 1964. Aujourd'hui on dirait "la mère de toutes les chansons" … On est loin du format pop de deux minutes et puis s'en vont.

Oum Kalsoum présentait ses créations en public. Au rythme d'une chanson par mois. Elles étaient également diffusées en direct par le très puissant émetteur de la radio du Caire. Ses concerts étaient alors de véritables messes, suivies amoureusement par l'entier du monde arabe. Oum Kalsoum avait l'habitude d'offrir plusieurs variations mélodiques d'une même phrase. Et le public en redemandait, encore et encore. Les concerts d'Oum Kalsoum pouvaient ainsi durer plusieurs heures et atteindre des états de transe collective.