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Marcello Fonte, acteur atypique qui crève l'écran dans "Dogman"

Marcello Fonte devant le cinéma Capitole avec le Prix d’interprétation à Cannes. [RTS - Sophie Iselin]
Interview de Marcello Fonte lauréat du prix d'interprétation masculine à Cannes pour "Dogman" / Tout un monde / 6 min. / le 21 septembre 2018
En mai dernier à Cannes, l'Italien Marcello Fonte a reçu le Prix d'interprétation masculine pour son rôle de toiletteur pour chien dans "Dogman" de Matteo Garrone. Une consécration pour cet acteur surgi de nulle part.

Marcello Fonte est la révélation du Festival de Cannes 2018. Fils de paysan de Calabre, dernier d'une famille de 7 enfants, un talent brut et un physique totalement atypique: 1 mètre 56, le dos voûté et un sourire immense.

Surgi de nulle part, cet acteur a enchaîné les petits boulots avant de devenir acteur. Il incarne à la perfection son rôle de gentil toiletteur canin dans le nouveau film de Matteo Garrone. Le réalisateur de "Gomorra" (2008) a choisi cet inconnu pour ce nouveau film dont il dit qu'"il peut faire passer une palette d'émotions en un simple clignement d'oeil grâce aux mille vies qu'il a vécues".

Remplacement au pied levé

Pour ce rôle, Matteo Garrone a repéré son acteur totalement par hasard. C'est lors d'une répétition de théâtre sur les planches d'un centre culturel auto-géré à Rome, le Cinema Palazzo, que Marcello Fonte tape dans l'oeil du réalisateur alors qu'il remplace au pied levé un comédien. Une rencontre décisive pour celui qui n'a fait que quelques apparitions au cinéma comme figurant.

Depuis plusieurs années, Marcello Fonte vit et travaille dans cet ancien cinéma du quartier de San Lorenzo menacé par les promoteurs immobiliers. Un lieu occupé depuis 2011 par un petit groupe de résistants qui organisent des projections de cinéma, des conférences et des pièces de théatre.

Ancré dans la vie du quartier

Depuis sa consécration à Cannes, Marcello Fonte a bien changé de numéro de téléphone mais il n'a pas changé d'appartement! Une façon pour lui de rester ancré dans la vie sociale de son quartier, qui incarne pour lui une forme de résistance citoyenne.

Le Cinema Palazzo fait aussi un peu partie de ce film parce que moi je vivais et je vis dans ce lieu qui est occupé par des citoyens qui s'opposent à la transformation d'un cinéma en salle de casino. Et donc moi j'ai mis une part de cette vie de quartier dans le film. On parle de ce quartier qui m'a adopté! Quand j'ai fait le film, je respirais cet air-là. Et de son côté Matteo s'est nourri de mon vécu et de mon histoire.

Marcello Fonte, acteur

Une Italie rongée par la corruption

"Dogman" raconte l'histoire d'un petit commerçant, propriétaire d'un modeste salon de toilettage, qui essaie de survivre dans une ville rongée par la pauvreté et la violence. Une métaphore limpide de l'Italie contemporaine minée par la corruption et le désengagement des politiques. Et une histoire extrêmement dure, inspirée d'un fait réel survenu dans la banlieue de Rome dans les années 90 qui avait d'ailleurs à l'époque beaucoup choqué l'opinion publique.

Marcello Fonte dans "Dogman" de Matteo Garrone. [AFP - Archimede / Le Pacte / Rai cinem / Collection ChristopheL]
Marcello Fonte dans "Dogman" de Matteo Garrone. [AFP - Archimede / Le Pacte / Rai cinem / Collection ChristopheL]

Mais cette adaptation au cinéma ne se limite pas à la critique sociale à l'échelle italienne. Elle va beaucoup plus loin, et c'est là que réside sa force. "A Sarajevo ou Jérusalem", rapporte Marcello Fonte au micro de la RTS, "les gens se sont retrouvés dans ce qu'on raconte. C'est vraiment un film pour tout le monde qui raconte quelque chose d'universel et qui touche tout le monde".

La loi du plus fort

Avec "Dogman", Matteo Garrone s'attaque à la violence dans son ensemble, celle qui s'insinue dans le quotidien des petites gens démunis face à la loi du plus fort. Une violence que Marcello Fonte connaît bien: en Calabre sa famille a dû quitter sa maison menacée par les groupes mafieux et s'établir loin de la ville en bordure d'une décharge.

Cette histoire a été documentée dans un premier film en tant que réalisateur, présenté d'ailleurs à Locarno en 2015. "Asino Vola" était passé alors complètement inaperçu. Avec sa récompense à Cannes, l'Italien s'est offert une nouvelle caméra. Et tourne actuellement un film sur les pas de son enfance.

Sophie Iselin/mh

>> "Dogman" de Matteo Garrone, à voir dès le mercredi 26 septembre en Suisse romande.

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