C'est une histoire en cascade. D'abord, il y a "Hô-bá-lá-lá", titre d'une des chansons de João Gilberto, et titre du livre du journaliste allemand Marc Fischer qui raconte sa quête désespérée pour rencontrer le père de la bossa nova. Il vit reclus dans une chambre d'hôtel depuis des décennies. Même ses proches ne l'ont pas vu depuis quinze ans, se contentant de lui parler au téléphone.
Le livre a été publié en Allemagne en 2011. Marc Fischer s’est suicidé peu après sa publication.
Double filature
En reprenant la quête obsessionnelle de Marc Fischer, en suivant ses pas un par un, le réalisateur franco-suisse Georges Gachot se rend à son tour à Rio de Janeiro pour rencontrer le mythique João Gilberto et percer le coeur de la bossa nova.
Ainsi "Where are you, João Gilberto?" se profile comme une double filature, littéraire et musicale. Georges Gachot piste à la fois Marc Fischer - "je me suis mis dans sa peau", dit-il - et le roi de la bossa. Son enquête le conduit dans les rues de Rio où la musique de son idole résonne de toutes parts, comme si le musicien était partout, et pourtant invisible.
C'était comme une petite voix qui m'entrait dans la peau.
Le réalisateur, dont le métier est de mettre la musique en images ("Marta Argerich: Evening Talks"; "Beatocello", portrait du pédiatre et violoncelliste Beat Richner ou "Maria Bethânia, mùsica é perfume") s'inspire du mystère romanesque qui entoure le chanteur brésilien, dont on dit qu'il ne faut pas trop s'approcher si on veut éviter la malédiction, pour articuler une narration entre fiction et documentaire.
"J'ai découvert João Gilberto à 18 ans, grâce à un ami brésilien qui l'écoutait en faisant ses exercices de math."
Née dans une salle de bains
On ne dira pas si Georges Gachot a réussi là où Fischer, dans sa quête obsessionnelle, a échoué mais le cinéaste a une petite idée de la raison pour laquelle le roi de la bossa vit désormais hors du monde: " Il a été victime de son succès mondial. Il a inventé la bossa nova qui a égrené jusqu'au Japon, a vendu des millions de disques, a joué avec Stan Getz. Ses chansons ont été reprises par les plus grands, de Sinatra à Ella Fitzgerald. C'était probablement trop pour une musique aussi intimiste, née dans une salle de bains".
Sujet proposé par Julie Evard. Réalisation web: Marie-Claude Martin