Dans "Les Chatouilles", Odette, petite fille passionnée de danse, est violée durant des années par le meilleur ami de ses parents. Un titre léger pour une terrible réalité, celle qu'a connue l'actrice et danseuse Andréa Bescond. De cette expérience, la Française a d'abord créé une pièce de théâtre, puis ce long-métrage, écrit et réalisé avec son époux, Eric Métayer.
"Il était impossible d'intituler ce film différemment à cause de la véracité (de ces chatouilles)", raconte au 19h30 Andréa Bescond. "C'est quelque chose d'assez classique: les pédocriminels utilisent un joli mot pour arriver à leurs fins. Et ce mot-là, je l'ai bien connu."
Montrer le mécanisme d'emprise
La danse dans laquelle trouve refuge la jeune victime et son travail de psychanalyse rythment le film, une manière d'injecter de l'humour et une certaine respiration dans une histoire douloureuse. Une histoire qui s'attache à décrire le processus de manipulation de l'adulte sur l'enfant.
"Nous voulions montrer comment un enfant peut être en sidération et dire oui à quelque chose dont il ne veut pas", explique Eric Métayer. "Et nous voulions filmer ces mécanismes (...), en montrant le regard de l'enfant qui subit ou le regard de l'agresseur en action, plutôt que de montrer un corps brisé", ajoute Andréa Bescond.
De quoi créer un ascenseur émotionnel chez le spectateur, entre regain d'énergie et état de choc devant le prédateur, interprété par Pierre Deladonchamps. "Nous avons choisi un Monsieur tout le monde, car la plupart des pédocriminels se cachent derrière un décor de vie, avec une vie de famille", précise Eric Métayer.
La responsabilité de l'adulte envers l'enfant
Autre personnage marquant, la mère de la fillette - jouée par Karin Viard - s'avère incapable d'écouter son enfant qui souffre. De nouveau, un schéma que l'on retrouve régulièrement dans la réalité, souligne le couple de réalisateurs.
"Avec ce film, on livre une oeuvre, faites-en quelque chose", lance Eric Métayer aux spectateurs. "C'est la responsabilité du public de voir s'il veut s'en servir comme outil pédagogique, préventif ou curatif, si cela peut éveiller la responsabilité de l'adulte, qui a un devoir de bienveillance envers l'enfant, selon la Convention de Genève sur les droits de l'enfant, même si on semble l'oublier", ajoute Andréa Bescond.
La réalisatrice, qui joue Odette adulte dans le film, explique avoir voulu rendre cette histoire universelle. "Je crois avoir mis beaucoup de distance", explique-t-elle dans Vertigo. "Aussi pour me protéger et protéger ma famille."
En Europe, un enfant sur cinq serait victime de violences sexuelles, sous une forme ou une autre, selon le Conseil de l'Europe. "Les Chatouilles" appellent à ouvrir les yeux sur cette réalité.
Tamara Muncanovic
Propos recueillis pour le 19h30 par Claire Burgy