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"3 rêveries", la BD concept pleine de poésie de Marc-Antoine Mathieu

3 rêveries [Delcourt - Marc-Antoine Mathieu]
3 rêveries – Marc-Antoine Mathieu – éd. Delcourt / La chronique BD / 4 min. / le 27 novembre 2018
De la poésie, un bel objet et une réflexion sur la bande dessinée, c'est ce que propose le dessinateur et scénariste Marc-Antoine Mathieu avec son poème graphique "3 rêveries", paru aux éditions Delcourt.

Un accordéon, un rouleau, des cartes. Trois thèmes: Homo Temporis, Homo Logos et Homo Faber. Le temps, la pensée et l'outil. Trois créations humaines qui forgent ce que nous sommes et qui sont explorées sur ces trois objets, en noir et blanc et en silence.

Trois objets

L'objet qui nous vient en premier en ouvrant cette boîte, c'est Homo Temporis. Un Leporello: un livre accordéon de 80 feuillets imprimés à l'italienne (dans le sens de la largeur). Il se déplie et raconte dans une longue bande dessinée l'invention du temps. On part d'une montagne pointue qui devient une flèche, qui est reprise par un artiste, puis par un artisan, puis par un penseur. Cette flèche est communiquée de manière de plus en plus technologique à d'autres protagonistes. Et finalement, elle se reflète sur le médaillon d'un rêveur pour devenir le temps.

Le deuxième objet est un rouleau. Il s'agit d'une véritable bande dessinée. Il s'appelle Homo Logos. C'est l'invention de la pensée. Le plus fou des trois objets. En déroulant ce long bandeau de 7 mètres et demi de papier, on découvre l'origine de la pensée. Ça commence par une torche, la lumière des premiers hommes, et ça part dans l'espace, à rebours. Les étoiles, les galaxies, le big bang. Et avant le big bang, le langage, l'alphabet et tout au bout du rouleau, le rêveur.

Le troisième objet est un jeu de 17 cartes qui racontent Homo Faber, le fabricant d'outils. De carte en carte, on voit l'homme devenir artisan. Au moyen de ses mains magiques, il construit. Du néant, il crée l'utile. Il maîtrise son environnement. Parfois, sa création se retourne contre lui, mais elle le libère et lui permet de s'endormir dans un nid, construit de ses mains, en rêvant.

Un intellectuel de la BD

Marc-Antoine Mathieu dit de cette création: "Je fais l'hypothèse poétique que la rêverie a présidé à l'éclosion de l'esprit humain". Cette éclosion, on peut divaguer et penser qu'il s'agit de l'ouverture du quatrième objet: la boîte.

Tout est possible avec Marc-Antoine Mathieu. C'est un intellectuel de la bande dessinée. Il a publié son premier album, "L'origine", en 1990. Depuis, il n'a de cesse de surprendre ses lecteurs. Chacun de ses livres est une expérimentation sur le médium. Il y met des trous, des albums qui commencent par le milieu, de la 3D, de la réalité virtuelle. Il n'a pas de limites.

Une installation de "The Origin" (1990) de Marc-Antoine Mathieu. [AFP - Arne Dedert]
Une installation de "The Origin" (1990) de Marc-Antoine Mathieu. [AFP - Arne Dedert]

Marc-Antoine Mathieu est aussi scénographe pour des expositions et le théâtre, et là encore, il part dans des délires fous. Corps gigantesques en foin, ruban de papier, oiseaux dessinés qui se détachent dans le ciel, silhouettes étranges qui se découpent sur des pontons.

Marc-Antoine Mathieu est un poète intellectuel, mais il a la sagesse de partager son savoir. Une des qualités de son travail, c'est d'être très accessible. "3 rêveries" est sans doute son produit de bande dessinée le plus conceptuel. Un résultat très touchant, même s'il faut autant de temps pour le ranger que pour le lire.

Didier Charlet/ld

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