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"Idiss", le destin d'une femme issue d'un monde englouti

Couverture du livre "Idiss" de Robert Bandinter. [Fayard]
Le 20ème siècle et le destin d'Idiss, par Robert Badinter / Nectar / 31 min. / le 28 novembre 2018
Robert Badinter, l'homme qui a fait abolir la peine de mort sous François Mitterrand, évoque sa grand-mère maternelle dans "Idiss", un livre qui parcourt l'Europe et les heures sombres du 20e siècle.

"Des fontaines d'amour", c'est l'expression qu'utilise Robert Badinter à propos des grands-mères. Idiss qui vivait dans la famille du jeune Robert depuis son veuvage a illuminé l'enfance de son petit-fils par sa tendresse, les brioches qu'elle lui apportait à la sortie de l'école et le mélange très personnel de français et de yiddish qu'elle pratiquait. "Idiss", c'est une dette d'amour envers sa grand-mère.

Avec une bouleversante sobriété, Robert Badinter raconte l'histoire d'une famille balayée par la Shoah, mais surtout l'espoir et la confiance qui guidaient ces immigrés passionnément épris des valeurs républicaines.

La France et sa République

Née en Bessarabie, province d'un Empire tsariste férocement antisémite, Idiss a quitté son "shtetl" avec sa fillette de 7 ans - Chifra, mère de l'auteur - suite aux  terribles pogroms de 1903 et 1905 afin de rejoindre mari et fils déjà établis à Paris. Un choix évident pour ces Juifs dont la francophilie tenait à plusieurs facteurs, selon Robert Badinter:

Ce qui est complètement perdu de vue, aujourd'hui, c'est que la Révolution française en Europe, pour la première fois, avait accordé aux Juifs la qualité de citoyens. Le fait d'être citoyen à part entière entraînait pour les Juifs français la possibilité d'être fonctionnaires, et à ce titre, magistrats (...) C'était une hérésie républicaine: comment? Des Juifs vont juger des catholiques, des chrétiens?

Robert Badinter, avocat

A la grande fierté d'Idiss, sa petite Chifra brillera à l'école de la République, grâce notamment à un instituteur qui lui consacre du temps et qu'elle évoquera souvent devant ses deux fils Claude et Robert (le cadet), pour leur transmettre l'amour du savoir.

Quitter Paris pour Lyon

Aussi profondément attaché aux valeurs républicaines que sa femme, Simon Badinter, père de Robert, voit son monde s'écrouler en 1940 avec l'instauration du régime de Vichy et des mesures contre les Juifs. Il quitte Paris pour Lyon en 1941, sa femme et ses fils devant le rejoindre plus tard. Robert Badinter a 13 ans quand il prend congé d'Idiss malade, confiée à l'un de ses oncles restés à Paris, pour se réfugier avec sa mère puis son frère dans un village savoyard proche de Chambéry, où la milice était dirigée par Paul Touvier.

Une adoption silencieuse

Dans son livre, Robert Badinter n'aborde pas ces années-là, mais au micro de la RTS, il salue la solidarité des habitants. "Nous avions de faux papiers qui n'auraient, je pense, pas résisté longtemps à la curiosité de la Gestapo. Ce qui s'est passé là, c'est tout simplement une forme d'adoption silencieuse, de protection par le silence, tout le monde nous considérait comme si nous appartenions au village."

Geneviève Bridel/mcm

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