Olivia Gerig a le regard un peu inquiet des écrivains qui ont trouvé l’âme noire, celle qui se tapit au cœur des personnages de ses romans, celle qui oscille entre horreur et morbide, celle qui amène les récits aux portes du désespoir. Pourtant, pas de romans policiers sans morts. Mais il y a meurtres et meurtres. Les assassinats feutrés d’Agatha Christie, dont Olivia Gerig a été une fervente lectrice, n’ont pas de place ici.
Un univers peuplé d'êtres en bordure de folie
Cannibales et mages, démonistes et tueurs en série: personne n’a envie de se confronter au mal absolu, au sang, à la fureur, aux pentacles et aux os rongés. Mais Olivia Gerig monte au créneau. Elle a pour elle une écriture comme une évidence, un récit souple et dense qui se déroule sans heurts.
Les événements s’enchaînent. L’enquête progresse. On suit l’auteure dans les méandres labyrinthiques de ses histoires, sa bougie éclairant la psyché malsaine de ses tueurs. Mais si les ténèbres s’y logent, la lumière s’y trouve aussi. Ses policiers et enquêteurs, dont Aurore au nom prédestiné, savent nous ramener par leurs gestes doux, leurs mots, leurs interactions dans le monde des vivants.
Mes études de criminologie m’ont aidé à coller à la réalité du terrain. L'enquête doit se tenir. Dans les séries on voit par exemple des tests ADN effectués en une heure. Dans la réalité, ça prend plus de temps.
Olivia Gerig est une narratrice sensible. Dotée d’un solide bagage culturel, d’études en criminologie, d’un sens inné de la communication, elle mêle les histoires d’hommes et de femmes, celles d’un bout de territoire en terre franco-suisse, là où le lac devient fleuve, là où les montagnes deviennent hautes, là où les sorcières et les démons peuvent s’ébattre en toute tranquillité.
Un thriller littéraire en terre franco-suisse
"Le Mage noir" ( l’Âge d’homme, 2018) fait suite à "L’Ogre du Salève" (Editions Encre Fraîche, 2014), un premier opus dans lequel Olivia Gerig plongeait dans les entrailles de la terre à la recherche d’un assassin à la noirceur cannibale. Du château des Avenières à la grotte du diable, en passant par le cimetière de Saint-Blaise, elle nous emportait dans les tourments de ses personnages sur les lieux de leurs crimes.
Le mage noir, entre possession et manipulation
Alors qu’un été caniculaire assoiffe les paysages de la campagne genevoise et échauffe les esprits, un mage noir, animateur maléfique d’une secte satanique et ses adeptes sèment les morts sur leur passage. Entre Paris et Annecy, les sorcières et les maisons hantées ressurgissent comme des histoires de possédés. Aurore Pellet, la jeune inspectrice de "l’Ogre du Salève" se retrouve à nouveau confrontée à l’horreur.
Je me suis procurée Le Petit et Le Grand Albert, des grimoires de sorcellerie auxquels on prête des pouvoirs magiques. Vous découvrirez pourquoi dans le roman.
Olivia Gerig affûte sa plume en puisant dans les histoires vraies des sorcières et de possessions en France voisine et nous sert un thriller sanglant, avec des cadavres couchés sur un pentacle et où les maléfices tissent leurs rais diaboliques et sectaires. Jusqu’où un être humain est-il capable d’aller pour obtenir le pouvoir? La réponse se trouve dans ce puzzle énigmatique et glauque qu’Olivia Gerig mène de main de maître, alternant ambiances sordides et érudition sur le sujet.
Une suite du "Mage noir" est en cours d'écriture. "Mes personnages changeront cette fois de continent pour aller dans l’Ile de La Réunion où ils vont avoir du fil à retordre". Son titre, "Les Ravines de sang", promet d'ores et déjà quelques insomnies à ses lecteurs.
Propos recueillis par Catherine Fattebert
Réalisation web Manon Pulver
Olivia Gerig, "Le Mage noir", éditions l'Âge d'homme, 2018