C'est avec "The Spirit", l'histoire d'un détective masqué en chapeau mou et costard-cravate, que Will Eisner explore les possibilités graphiques et narratives du 9e art. L'artiste américain raconte les aventures de ce fin limier durant 12 ans, puis quitte la bande dessinée pour se consacrer à l'illustration.
"The Spirit" ressort quelques années plus tard et devient culte. Will Eisner est récompensé au milieu des années 70 pour son œuvre par le Festival international de la bande dessinée d'Angoulême, dont il obtient le Grand Prix. Galvanisé par l'honneur qui lui est fait en France, il relance sa carrière et produit plusieurs chefs-d'oeuvre. En 1978, il sort "Un pacte avec Dieu" qui marque la naissance du roman graphique, s'éloignant du style des comics. En 1988 sont créés les Eisner Awards pour honorer ce précurseur. Ce prix est aujourd'hui la plus prestigieuse récompense de la bande dessinée américaine.
New York, New York
Durant la deuxième partie de sa prolifique carrière, Will Eisner publie un roman graphique, sous forme de trilogie, entièrement consacré à sa ville, celle qui ne dort jamais: New York.
Le premier tome est consacré à la ville elle-même. L'auteur met en scène un réverbère, une bouche à incendie, une poubelle, un perron ou un mur dans des petites saynètes qui sont drôles, tragiques ou poétiques. Dans le deuxième, il parle de l'immeuble, d'une bâtisse fictive, le Hammond Building. Là aussi, l'histoire se parcourt au gré d'anecdotes sur les habitants de la ville. Quant au dernier livre, il est consacré aux gens, aux citadins de la Grosse Pomme.
"New York Trilogie" est une merveille tout en noir, blanc et gris. Will Eisner a non seulement un trait pur, expressif à souhait, mais il a un amour pour sa ville qui se ressent dans chacun de ses coups de stylo.
La Grosse Pomme en 416 pages
Quand Will Eisner montre un New-Yorkais qui essaie d'arriver à l'heure en cinq pages, il nous fait vivre la hantise d'avoir à tenir un horaire dans une ville faite de foules, de retards, d'embouteillages et d'incivilités. En parallèle, il peut décrire une grille de métro et les centaines d'objets qui y sont perdus chaque jour par les passants. Puis, les gamins qui les récupèrent avec une ficelle et un chewing-gum. Plus loin, il décrit la frayeur qu'inspire une rue la nuit, la solitude, la méchanceté, mais aussi la solidarité des habitants.
Didier Charlet/ld
L'intégrale du roman graphique "New York Trilogie" est disponible en français aux éditions Delcourt.