"Beauté, joyau tout en or", "Minet chéri" ou "Chef-d'oeuvre". C'est ainsi que Sido, la mère de Gabrielle Sidonie Colette, s'adresse à sa fille chérie, la dernière d'une fratrie de quatre.
L'enfance de celle qui deviendra la deuxième femme élue à l'Académie Goncourt est heureuse, à l'image de son éducation, à la fois libérale et littéraire. Son père Jules-Joseph Colette, saint-cyrien et zouave ayant perdu une jambe lors de la bataille de Melegnano, est un "poète urbain". Sa mère, Sidonie Landoy, qui a connu durant sa jeunesse à Bruxelles le milieu des écrivains et des peintres, est une femme cultivée pour l'époque, laïque et passionnée de nature. Seul interdit dans la famille: les livres pour enfants. C'est ainsi que celle qui s'appelle encore Gabrielle aura lu Labiche à 7 ans et l'essentiel de Balzac à 12.
Toutefois, les relations avec cette mère aimante mais possessive ne sont pas exemptes d'ambivalence. Sido parle souvent de l'air bête de sa fille et préférera s'occuper de la floraison rare d'un cactus plutôt que de lui rendre visite. De son côté, Colette dira à plusieurs reprises que sa mère, décrite comme autoritaire, n'a jamais cru en elle. Ce que dément absolument leur correspondance.
La jalousie est peut-être la seule souffrance de la petite Gabrielle. Celle qu'elle éprouve pour son frère, le préféré de Sido, mais aussi celle que Sido lui exprime à son tour, dès qu'elle s'entiche d'un autre adulte.
Sans que ses biographes puissent vraiment l'expliquer, Colette ne sera pas au chevet de sa mère et n'ira pas non plus à son enterrement en 1912.
Mais Colette doit à cette femme qui sait parler aux animaux et aux plantes, son goût quasi fusionnel pour la nature et son sens inné de la liberté. Elle aura également suivi et adopté l'injonction maternelle: "Regarde! Regarde!"
Le temps du souvenir va ériger le personnage de Sido en force vitale et tellurique, comme une source d'inspiration constante. Plusieurs livres lui sont consacrés.
L'enfance de Colette se termine lorsque la famille, ruinée, doit se séparer de la maison de Saint-Sauveur-en-Puisaye, dans l'Yonne. Ce n'est que le début d'une longue série de déménagements, en ville ou en campagne. La plupart des lieux où Colette a vécu fera l'objet d'un portrait littéraire, notamment Saint-Tropez dans "La Naissance du jour", un village qu'elle découvre bien avant Brigitte Bardot et qu'elle quittera en raison d'un tourisme trop envahissant.