Avec quelques trémolos dans la voix, Charly Veuthey le confie: "en constatant l'enthousiasme du public venu assister à la précédente édition du Salon, j'ai dû me cacher tellement j'étais ému". C'est vrai qu'ils furent nombreux les visiteurs à répondre à l'offre pléthorique de ce rendez-vous littéraire. Quelque deux-cents auteurs et une trentaine de maisons d'éditions avaient pris place à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg (BCU), alors que de nombreux spectacles poétiques, lectures et autres tables rondes étaient proposés à deux pas de là, dans le quartier d'Alt.
Pourtant le pari n'était pas gagné d'avance. Les trois premières éditions du Salon du livre romand n'avaient pas trouvé leur public. Ce n'est que lorsque la manifestation a établi ses quartiers au cœur de la ville de Fribourg, avec une proposition nouvelle, que le succès est apparu.
Une manifestation romande
Dans un premier temps, Charly Veuthey a été tenté de rebaptiser le Salon "Fête fribourgeoise du livre" pour bien marquer son côté populaire destiné à un très large public. Mais finalement, il a préféré "consolider la marque" et assumer le caractère romand de la manifestation en mettant en valeur les innombrables acteurs du livre qui font la richesse de la scène littéraire dans notre coin de pays.
J'assume pleinement le caractère romand du Salon. Moi-même étant éditeur, je ressens bien la nécessité de nous faire connaître et de renouveler notre public. On va donc garder la marque "Salon du livre romand" pour l'éternité…
L'éternité, soit, mais une année sur deux. Dorénavant, pour éviter l'épuisement d'une équipe largement bénévole, ce nouveau rendez-vous littéraire deviendra une biennale.
Marathon du roman
Parmi les nombreux événements qui jalonneront cette cinquième édition, la performance "50 heures pour un roman" n'est pas banale. Dans une ancienne cabine téléphonique reconvertie en galerie d'art et de curiosités, huit auteurs se relaieront du vendredi après-midi au dimanche soir pour écrire une œuvre originale. Face à son écran d'ordinateur, confiné sur une surface d'un mètre carré, chacun s'efforcera de donner un semblant d'unité à cette entreprise littéraire fragmentaire.
L'éditeur et romancier Michaël Perruchoud est à l'origine de ce projet un peu fou auquel il prendra part lui-même entouré de sept auteurs au souffle long. "Ce sera un marathon relais, annonce-t-il, pendant lequel nous essaierons d'éviter les écueils du cadavre exquis en essayant de composer un texte le plus cohérent possible. Et ce n'est que dimanche soir que nous prendrons la décision de le publier, ou pas".
Des têtes d'affiche pour attirer le public
Le Salon du livre romand célèbre les auteurs et les éditeurs du cru plus ou moins renommés, mais une telle manifestation ne peut se passer de têtes d'affiche capables d'attirer un large public. Le cinéaste Jean-Pierre Mocky en fait partie, lui qui en 1982 a adapté à l'écran le roman de son pote Frédéric Dard, "Y a-t-il un Français dans la salle?". L'occasion de se souvenir que l'auteur des San-Antonio a vécu pendant plus de vingt ans dans la campagne fribourgeoise, à Bonnefontaine.
"Frédéric Dard le Fribourgeois", tel est le titre de la journée spéciale consacrée à l'un des écrivains francophones les plus populaires, organisée par le Salon en collaboration avec l'Alliance Française de Fribourg. Petit déjeuner avec Joséphine Dard, la fille de l'auteur, table ronde avec de bons connaisseurs de l'homme et de son œuvre, et enfin projection du film de Jean-Pierre Mocky. Cette journée du samedi 16 février devrait ravir les lecteurs, amateurs d'audaces langagières.
Frédéric Dard à l'honneur
Monique Rey, présidente de l'Alliance Française, ancienne enseignante dans un établissement fribourgeois fréquenté par Joséphine Dard, est devenue amie de l'écrivain: "aujourd'hui, certaines de ses pages sont entrées dans les manuels scolaires pour des études littéraires. Si Frédéric Dard avait été reçu à l'Académie française, comme le préconisait Jean d'Ormesson, il aurait apporté à la rédaction du dictionnaire sa verve rabelaisienne".
Le très vert Frédéric Dard dégainant ses bons mots dans la vénérable et vieillissante assemblée des Immortels… Voilà une fiction qui sera sans doute évoquée avec des éclats de rire pendant la prochaine Fête fribourgeoise du livre.
Jean-Marie Félix/ld