"C'est une sélection exigeante qui fait la part belle au travail d'écriture", a commenté Patrick Ferla, président du Prix du Public.
Depuis sa création en 1987, le principe est resté inchangé. Un comité restreint composé de cinq auditeurs et téléspectateurs est chargé de lire la plupart des livres de fiction publiés en français, au cours de l'année écoulée, par les auteurs suisses ou établis en Suisse.
La sélection des livres retenus est ensuite soumise à un grand jury de vingt-cinq lecteurs volontaires dont la candidature est recevable jusqu'au 24 mars. Ceux-ci se réuniront à huis clos autour du président le 18 mai prochain. Après une journée de délibération, les jurés se mettront d'accord pour attribuer le Prix du Public de la RTS 2019 à l'auteur de leur choix.
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Pour cette nouvelle édition, ce n'est plus au Salon du livre de Genève que le Prix sera remis au lauréat, mais au Livre sur les quais, à Morges, samedi 7 septembre. "Le choix de la proximité", selon Patrick Ferla.
Des expériences très diverses
Comme souvent, dans les sélections de prix littéraires cohabitent des expériences très diverses. Pascale Kramer possède une imposante bibliographie publiée essentiellement chez des éditeurs parisiens, et a été récemment saluée par le Grand Prix suisse de littérature. Vingt ans plus jeune, Mathias Howald publie, lui, un premier roman dans une petite maison d'édition qui cultive son caractère marginal. Et pourtant un même souci du travail d'écriture émane de chacun de ces livres.
Un souci littéraire particulièrement patent dans le roman de Claire Genoux, "Lynx". L'écrivaine vaudoise vient de la poésie, genre qu'elle a beaucoup fréquenté avant de s'essayer à la prose. Son roman envoûtant, servi par une langue rugueuse et sensuelle, en porte la trace. Ce fut l'une des belles surprises de la dernière rentrée littéraire.
Les liens familiaux, une source inépuisable
Mais au-delà de la facture soignée, une thématique commune réunit les six livres retenus par le jury: les liens familiaux et intergénérationnels, source inépuisable de ressort narratif.
Il y a bien sûr la tension sourde entre les pères et les fils si habilement mise en mots par Claire Genoud et Mathias Howald. Mais les lecteurs sont nombreux à avoir été charmés par le couple frère-sœur qu'ont formé le poète Gustave Roud et sa sœur Madeleine. Tous deux ont partagé le même toit dans leur ferme de Carrouge pendant des décennies. Dans "Là-bas, août est un mois d'automne", le jeune écrivain Bruno Pellegrino s'insinue dans leur intimité avec délicatesse et tendresse. Ce livre très remarqué a d'ailleurs été salué par le Prix Alice Rivaz l'année dernière.
De la tendresse, voire de la compassion, il y en a aussi dans les quatorze nouvelles qu'Anne Bottani-Zuber a réunies dans un recueil au titre éloquent: "Désirs et servitude". Quatorze femmes issues de cinq générations différentes s'y livrent avec sincérité, racontent leurs désirs contrariés par la pression familiale et sociale si prodigue en "Ça ne se fait pas!".
Enfin, de manière plus ténue le roman de Mathieu Mégevand, "La bonne vie", évoque lui aussi la volonté de rompre avec une éducation normée reçue des générations précédentes. En suivant à grandes enjambées le parcours de Roger Gilbert-Lecomte, étoile filante de la scène littéraire française, l'éditeur et romancier genevois fait revivre un personnage en rupture, qui considérait la littérature comme le dépassement de la condition humaine.
Une littérature reconnue au-delà des frontières
Sur les six ouvrages retenus, trois ont été publiés dans de grandes maisons d'édition françaises. Peut-être un signe des temps. Aujourd'hui, il n'est plus nécessaire d'avoir la carrure d'un Ramuz ou d'un Chessex pour être reconnu au-delà des frontières. La littérature qui s'écrit dans notre coin de pays n'est plus confinée et s'accorde volontiers avec le foisonnement de ce qu'on nomme plus généralement la "littérature en langue française".
Enfin, un coup de chapeau à Patrick Ferla qui en 1987 fut un précurseur en offrant la possibilité à des lecteurs amateurs, donc des non-professionnels de la lecture, de décerner un prix littéraire. Selon leurs critères. Un modèle qui depuis a fait école, ici comme ailleurs.
Jean-Marie Félix/aq
Les ouvrages sélectionnés pour le Prix du Public de la RTS 2019
- "Désirs et servitudes", d’Anne Bottani-Zuber (Ed. de l’Aire)
- "Lynx", de Claire Genoux (Editions José Corti)
- "Hériter du silence", de Mathias Howald (Ed. d’autre part)
- "Une famille", de Pascale Kramer (Ed. Flammarion)
- "La bonne vie," de Matthieu Mégevand (Ed. Flammarion)
- "Là-bas, août est un mois d’automne", de Bruno Pellegrino (Ed. Zoé)