L'œuvre de Vivian Maier représente des milliers de clichés, de pellicules et de planche-contacts, qui ont dormi dans des cartons, ignorés de tous, pendant des années. Ces cartons, qui contenaient un vrai trésor, ont été découverts en 2009 par un jeune agent immobilier, John Maloof, qui cherchait à acheter dans un garde-meuble des cartes postales pour illustrer un livre sur Chicago qu'il avait en projet. Convaincu qu'il avait entre les mains une oeuvre unique en découvrant le travail de Vivian Maier, John Maloof a tout fait pour le faire connaître.
John Maloof, alors qu'il ne connaissait rien à la photographie, s'est senti interpellé par la force, la puissance et l'intensité des clichés de l'Américaine. Il a décidé d'en poster quelques-uns sur les réseaux sociaux en demandant aux internautes ce qu'ils en pensaient. Devant les réactions suscitées par ces photographies, l'agent immobilier a pris conscience qu'il fallait absolument qu'il dévoile ces clichés au monde. C'est ce destin incroyable de l'oeuvre de Vivian Maier que raconte Gaëlle Josse dans son livre "Une femme en contre-jour".
Une photographe au contact des exclus
Vivian Maier disparait à 83 ans, en 2009. Quelques jours après son décès, John Maloof achète le travail de celle qui est encore une anonyme pour 400 dollars dans un garde-meuble. Un travail que l'Américaine avait elle-même déposé dans ce garde-meuble de son vivant. Née à New York en 1926, Vivan Maier se passionne très vite pour la photographie. Une passion dont elle ne fera jamais son métier puisqu'elle sera gardienne d'enfants.
Elle se construit seule, affûte son style. Appareil photo en bandoulière, elle croque la vie des pauvres, des exclus, des femmes épuisées et des SDF, mais aussi, en pleine ségrégation, des Noirs et des Hispanos. Vivian Maier photographie l'âme d'anonymes sans relâche. Selon elle, "entrer dans une vie, c'est brasser des ténèbres. Déranger des ombres".
Les tourments humains
"Une femme en contre-jour" est le 7e roman de Gaëlle Josse. L'auteure y poursuit son travail sur les tourments humains, entamé avec "Les heures silencieuses" en 2010, puis "Une longue impatience" et "Le dernier gardien d'Ellis Island". A travers Vivian Maier, Gaëlle Josse raconte le destin d'une femme libre, invisible. L'écrivaine a d'abord découvert Vivian Maier par le biais de ses photographies. Des clichés qui racontent tous une histoire, un destin.
Ce que je me suis demandé, c'est: qui a pu prendre ces photos, et quelle vie faut-il avoir vécue pour arriver, en une photo, à autant d'empathie pour les autres?
La gloire posthume de Vivian Maier lève le voile sur une vie sombre, entachée par la pauvreté, par une histoire familiale douloureuse et perturbante. Une vie de secrets et de solitude, d'une femme qui a fait le choix de la liberté, qui a choisi de vivre sans dépendre de qui que ce soit.
John Maloof, seul héritier de Vivian Maier
Vivian Maier n'a jamais montré et exploité ses photographies. Décédée seulement quelques semaines avant que ses clichés ne soient découverts par John Maloof, l'Américaine a raté son rendez-vous avec la lumière.
Vivian Maier n'avait pas de familles, pas d'enfants. Aujourd'hui, John Maloof est le gestionnaire et le seul héritier du patrimoine de la photographe. Il exploite ce fond qu'il a découvert, à travers des livres, des expositions, un site internet et des films documentaires.
Lara Donnet
Propos recueillis par Viviane Gabriel
"Une femme en contre-jour" de Gaëlle Josse, éditions Noir sur Blanc, 2019.