Au centre du dispositif de Douna Loup, Elly, épouse et mère trentenaire qui, à ce stade de sa vie, explore ses émotions et laisse parler ses désirs et ses interrogations. La vie, l'amour, la mort, l'Autre, la jalousie, les thèmes brassés sont bien connus de la littérature, mais la langue de l'auteure, poétique et parfois très crue, parvient à les renouveler.
Le lecteur y entend la voix de l'auteure et sans doute a-t-il raison. "Je voulais quelque chose d'authentique qui sorte des sentiers battus et des clichés, je voulais poser des questions, même si elles sont taboues, même si elles m'emmènent dans des zones inconfortables", explique Douna Loup au micro de la RTS.
Parfois j'ai ressenti des joies si profondes que des sanglots me traversaient le corps. Je me sentais un champ d'étoiles. C'est vaste un champ d'étoiles.
Le choix de vivre
Postulat de base: le quotidien enferme. Mais la narratrice s'inscrit dans une dynamique qui libère et s'ouvre aux autres et à la vie. L'échappée passe par le corps qui respire, aspire et se donne. "Déployer" fait écho au premier roman très sensuel de Douna Loup, "L'Embrasure", qui avait séduit le public et les Prix littéraires. On y retrouve aussi l'attrait profond pour la nature, lieu de tous les possibles où s'inscrit le cycle des saisons et de la vie. On y retrouve aussi Willy, l'ami qui un jour choisit de se laisser mourir de faim et de soif au fond d'une forêt et dont la trace ne s'efface pas.
Elly prend un amant, Jonas. L'aventure amoureuse met le couple en mouvement et Dannis, le mari, à son tour prend des chemins de traverse. Elly découvre la morsure puissante de la jalousie, la peur du mensonge et... la douceur du quotidien qui rassure, l'odeur d'une salade fraîche, le fumet d'une tarte aux pommes. La narratrice comprend alors qu'il lui faut aller plus loin pour se trouver et chercher, au plus profond d'elle-même, la blessure d'enfance.
Le chemin vers la guérison
L'ouverture passe par l'intime et par la confrontation avec les autres. L'Autre qui nous est proche et que l'on connaît si mal et l'Autre venu de si loin. L'écriture de Douna Loup se fait plus politique pour évoquer ce camp de réfugiés en France. "J'ai voyagé dans des pays pauvres, j'ai vécu plusieurs mois à Madagascar. Mais c'est à Calais que j'ai vu la plus grande détresse humaine. Je trouve ça incroyable, dans mon pays".
Bien sûr, et puisque l'on peut lire les livrets dans n'importe quel ordre, il n'y a pas de fin à ce récit. Mais c'est le chemin qui compte et celui d'Elly va vers la guérison.
Anik Schuin/ld