Romancière, essayiste, critique littéraire, dramaturge, librettiste et éditrice, Toni Morrison est morte à l'âge de 88 ans, a annoncé sa famille mardi.
Elle est la première auteure afro-américaine à avoir reçu le prix Nobel de littérature.
L'académie suédoise saluait alors "son art romanesque, caractérisé par une puissante imagination et une riche expressivité, qui brosse un tableau vivant d'une face essentielle de la réalité américaine".
Elle a aussi été récompensée du prix Pulitzer en 1988 pour son best-seller "Beloved", adapté au cinéma en 1998 par Jonathan Demme, mettant en vedette Oprah Winfrey.
Inspiré de l'histoire vraie de Margaret Garner, une mère infanticide, "Beloved" raconte les pérégrinations de Sethe, ancienne esclave noire évadée d'une plantation. Des années après, après avoir retrouvé refuge près de Cincinnati, elle va devoir héberger Beloved, une jeune femme noire, Beloved.
Beloved, le même que celui de sa première fille, qu'elle avait égorgée avant ses deux ans pour lui éviter l'esclavage.
Toute l'histoire des Noirs américains
De son vrai nom Chloe Anthony Wofford, Toni Morrison (Toni est le diminutif d'Anthony, Morrison était le nom de famille de son mari) a commencé sa carrière littéraire comme éditrice chez Random House.
Elle a édité les autobiographies d'Angela Davis et de Muhammad Ali. Bourreau de travail, elle se levait à l'aube, avant ses deux fils, pour trouver le temps d'écrire.
Elle a écrit son premier roman, "The Bluest Eye", à 39 ans. Dix autres suivront, mais aussi des essais, des livres pour enfants et même un livret d'opéra. Elle a exploré toute l'histoire des Noirs américains, de leur mise en esclavage jusqu'à leur émancipation dans la société américaine actuelle, racontant sans cesse la réalité du racisme.
"J'aimerais écrire sur des Noirs sans avoir à dire qu'ils sont noirs. Exactement comme les Blancs écrivent sur les Blancs", aimait-elle répéter de sa voix grave.
Nous mourons. C’est peut-être le sens de la vie. Mais nous faisons le langage. C’est peut-être la mesure de nos vies.
Silhouette majestueuse, port de tête altier, énergie de guerrière, cette descendante d'une famille d'esclaves et brillante universitaire aura réussi à donner une visibilité littéraire aux Noirs. "Toni Morrison est décédée paisiblement la nuit dernière, entourée de sa famille et de ses amis", a précisé un communiqué de ses proches.
L'hommage d'Obama
Quel cadeau d'avoir pu respirer le même air qu'elle, ne serait-ce qu'un moment"Barack Obama
Barack Obama a rendu un vibrant hommage à Toni Morrison, la qualifiant de "trésor national". "Son écriture représentait un superbe et profond défi à notre conscience et à notre imagination morale", a écrit l'ancien président, qui lui a décerné en mai 2012 la prestigieuse médaille de la Liberté.
Un an plus tôt, l'écrivaine avait reçu un doctorat honoris causa de l'Université de Genève.
mcm/afp
Son ultime essai sortia en français en octobre
Publié en février aux États-Unis, l'ultime essai de Toni Morrison, "The Source of Self-Regard" paraîtra en français le 3 octobre chez Christian Bourgeois, l'éditeur qui l'a fait connaître en francophonie. Son titre: "La source de l'amour-propre".
L'ouvrage aborde les sujets politiques et sociaux d'aujourd'hui (émancipation des femmes, place des minorités dans la société américaine, rôle de l'argent et des médias, racisme et xénophobie...) mais aussi la question de la création artistique et notamment littéraire.
La romancière évoque la figure de Martin Luther King et rend un hommage appuyé à l'écrivain James Baldwin (1924-1987), un des plus grands auteurs américains du XXe siècle et militant des droits civiques, contraint à l'exil en France à la fin des années 1940 pour fuir le racisme dans son pays.
Elle porte également un regard critique sur son oeuvre et sur celle d'autres artistes comme le peintre Romare Bearden (1911-1988), la documentariste et militante des droits civiques Toni Cade Bambara (1939-1995) ou encore le metteur en scène Peter Sellars.
afp/mcm