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Payot réédite "Mon premier Livre", manuel de lecture émaillé de clichés

"Mon premier livre" est à nouveau en vente, 50 ans après sa dernière édition par l'État de Vaud.
"Mon premier livre" est à nouveau en vente, 50 ans après sa dernière édition par l'État de Vaud. / 19h30 / 2 min. / le 27 août 2019
Titiller la mémoire des clients, les faire frémir de nostalgie, c’est un joli coup marketing. Car "Mon premier livre", bourré de stéréotypes, a accompagné les écoliers vaudois et neuchâtelois jusqu'aux années 70. Provocation ou devoir de mémoire?

Qu'est-ce qui peut choquer dans les vitrines d'une librairie en 2019? Un Sade illustré? "Mein Kampf" en manga? Les pamphlets antisémites de Céline dans la Pléiade?

Plus modestement, la librairie Payot a pris le risque de heurter en remettant en vente "Mon premier livre", 50 ans après sa première édition. Il s'agit d'un manuel d’apprentissage de lecture publié par Fritz Payot en 1912, puis distribué aux écoliers vaudois et neuchâtelois.

Délicieuse madeleine de Proust

Beaucoup ont appris à lire avec cet ouvrage aujourd'hui désuet. Certains lui doivent même, peut-être, d'avoir été le sésame d'une vie de lecteur. Titiller la mémoire des clients, les faire frémir de nostalgie, c’est le coup marketing de Payot pour cette rentrée.

Pour certains, c'est une délicieuse madeleine de Proust, alors que pour d'autres, "papa téléphone, maman tricote" apparaît comme une provocation.

Beaucoup de nostalgiques voulaient le racheter. Aujourd’hui évidemment, il est totalement politiquement incorrect, au regard de l’égalité, mais aussi du racisme. Le republier, c'est montrer qu’en 50 ans les méthodes d’éducation ont évolué et que la société a changé.

Pascal Vandenberghe, patron des librairies Payot

Un devoir de mémoire bien accueilli par les clients qui estiment qu'il est bon pour les enfants de voir comment c'était avant, et de mesurer ainsi le chemin parcouru.

Une mise en garde dérisoire

Mais pour l'historien Dominique Dirlewanger, donner ce livre à un enfant sans lui fournir une analyse du contexte reste problématique, et sa mise en garde sur une feuille volante insuffisante. L'historien parle d'euphémisme.

Quand on lit "des lieux communs discriminants hérités du colonialisme" au lieu de parler de racisme ou "d'ordre conservateur dans l'organisation familiale" à la place de sexisme, on est en train de banaliser le contenu de ce manuel.

Dominique Dirlewanger, historien

L’ouvrage a été tiré en 2000 exemplaires, avec la bénédiction de l’Etat de Vaud.

Sujet proposé par Cecilia Mendoza/mcm

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