Ce roman d’anticipation, elle le dédie aux jeunes Africains sub-sahariens chez qui elle sent "un sentiment qu’il faut se fédérer, se débarrasser des prédateurs pour peser davantage dans le monde". Prédateurs, le terme est fort.
Est-ce une revanche de l’histoire coloniale qui a dessiné la géopolitique de l’Afrique? Léonora Miano réfute cette idée. "Ce qu’on peut faire, c’est vivre avec ce qu’on a compris de l’histoire pour se réinventer". Pour ouvrir le champ des possibles, elle nous invite à rêver avant de penser, car la transformation de l’Afrique qu’elle appelle de ses voeux "ne peut pas venir de l’extérieur, ne peut pas se construire dans la douleur de la victimisation". Les artistes, les écrivains, les oeuvres d’art et les travaux des intellectuels sont "très utiles" s’enthousiasme la romancière.
Un renversement des codes de domination
Dans ce Continent unifié, elle dresse le portrait des Sinistrés, ces Français qui ont fui leur pays par peur des vagues migratoires du Sud. Sûrs de se retrouver en territoires conquis d’avance. Léonora Miano s’amuse, déjoue les codes de domination, renverse les clichés tout en posant la brûlante question de l’identité, du racisme comme "une pathologie de l’âme". Son roman raconte la rencontre possible entre deux mondes.
Une grande histoire d’amour
"Rouge Impératrice", c’est aussi une histoire d’amour qui lie Boya, une femme libre, universitaire et à l’étrange peau rouge, avec Illunga, le grand chef et pacificateur de cette Afrique unifiée. Une histoire contrariée par les épreuves et les trahisons mais qui puise dans le mystère des rites d’initiation et de l’invisible mystique. Une histoire qui finit bien, comme un hommage à la puissance des femmes.
Manuela Salvi