Professeur à l’Université de Lausanne, spécialiste de Ramuz, critique littéraire et écrivain, le Valaisan Jérôme Meizoz est un habitué des prix. Son premier livre "Morts ou vif" a été désigné "Livre de la Fondation Schiller Suisse 2000" tandis que "Faire le garçon" a reçu le Prix suisse de littérature en 2018. Son dernier livre, "Absolument modernes" (éd. Zoé), sort en librairie mercredi. Il s'agit de treize chroniques caustiques et navrées sur la modernité suisse des années 70 et 80.
Clin d'oeil à Rimbaud
Le titre est emprunté à "Une Saison en enfer" de Rimbaud. L'auteur, avec une ironie tendre, y a ajouté un point d'exclamation pour dire l'injonction des Trente Glorieuses à croire au progrès à tout prix. Comme son père l'a cru.
L'idée de ce livre m'est venue à la mort de mon père. C'est lui qui m'a fait regarder cette époque, avec cette mentalité de moderne qui était la sienne.
Entre satire et récit intime
"Absolument modernes!", fiction documentaire et chronologique, ressemble à un puzzle, où se mêlent vieux articles de journaux, poèmes, citations de philosophes ou de sociologues, slogans, rêves et documents historiques pour raconter l'emballement aveugle.
De l'autoroute construite en Valais à la conquête de la voiture, en passant par la construction des centres commerciaux ou le règne de la télévision, le livre oscille entre satire et récit intime. Pourquoi intime? Parce que ces chroniques sont rapportées par un certain Jérôme Fracasse, double de l'auteur, et comme lui fils d'ouvrier, trop heureux de rejoindre le tourbillon de la consommation après une période de vaches maigres.
Je ne regrette pas le passé. Je parle de cette époque où nous n'avions pas grande conscience des risques que l'on prenait avec la croissance infinie et la croyance en des ressources pétrolières éternelles. Aujourd'hui, cela est devenu source d'inquiétude. Je voulais raconter le passage de l'euphorie au désenchantement.
Pour dénoncer les excès, il ne fallait pas en commettre soi-même. Jérôme Meizoz aime l'ellipse, le concis, pour laisser au lecteur sa part d'imagination. Avec son habileté à raconter l'étrangeté dans la banalité, sa faculté à disséquer le quotidien et à mêler les émotions de ses pairs aux siennes, Jérôme Meizoz réussit une fresque à la fois drôle et attendrie sur une époque qui nous a menés à la catastrophe, mais avec la joie de croire aux lendemains qui chantent.
Propos recueillis par Julie Evard
Adaptation web: mcm