Il y a une vingtaine d'années, après avoir écrit des romans de fiction, Patrick Deville s'est lancé dans une série de "romans sans fiction". Une forme qui lui a permis d'utiliser à la fois l'écriture de vie, le reportage, le témoignage, la description des paysages, mais aussi l'éloge de la littérature. Des thématiques chères au coeur de l'écrivain français.
Un attrait pour l'ailleurs
Intitulée "Abracadabra", cette série de romans emmène le lecteur aux confins du monde, de l'Amérique du Sud avec "Pura vida", le premier de la série paru en 2004, en Asie avec "Kampuchéa" ou "Peste et choléra", ou encore en Afrique de l'Ouest avec "Equatoria".
Un attrait de l'ailleurs qui ne date pas d'hier pour Patrick Deville. "Une question d'enfance, de lectures et puis cette phrase que Marguerite Yourcenar met dans la bouche de son personnage Zénon, et que j'aime beaucoup: 'Quel prisonnier serait assez fou pour ne pas faire le tour de sa cellule?' Et notre cellule, c'est la planète" commente l'écrivain.
Seuls sur un bateau le long de l'Amazone
Pour son nouveau roman "Amazonia" qui vient de paraître aux éditions du Seuil et qui constitue le septième tome de la série "Abracadabra", l'écrivain voyageur a décidé de partir avec son fils Pierre, 29 ans, musicien et photographe. Ensemble, sur un bateau où ils sont les seuls passagers, ils suivent le fleuve Amazone et traversent le sous-continent latino-américain.
Au cours de leur voyage, le père et le fils partagent leurs lectures, marchent sur les pas des écrivains d'aventures comme Blaise Cendrars ou Jules Verne. Ce sont deux solitaires de peu de paroles qui se connaissent depuis toujours et qui se retrouvent, peut-être pour la première fois, côte à côte dans le confinement que représente le voyage exploratoire.
Un jeu risqué
Lorsqu'on demande à Patrick Deville si ce périple amazonien a été une mise à l'épreuve de leurs liens filiaux, il répond: "Pas vraiment une mise à l'épreuve. C'était plutôt un jeu, mais un jeu un peu risqué".
Après avoir hésité, son fils Pierre finit par accepter le projet. Les deux hommes font quelques voyages préparatoires dans les Alpes et à Rio de Janeiro. "Et puis, nous nous sommes lancés. Avec ce risque qu'une fois sur l'Amazone dans une cabine de navire, on ne peut pas claquer la porte" commente l'écrivain.
Dans son précédent livre "Taba-Taba", Patrick Deville avait décrit sa vie avec son père et la vie de son père avec son père en remontant ainsi dans sa généalogie jusqu'au Second Empire. Faire ce voyage en Amazonie avec son fils lui a permis de continuer à explorer les relations filiales.
Un écrivain serein
Comme souvent avec Patrick Deville, l'histoire (la petite et la grande), la géographie, le temps, les époques et même les conversations intimes se mélangent au fil des pages. Avec des phrases remarquables qui sont aussi touffues que la forêt vierge amazonienne et qui donnent l'impression au lecteur de naviguer aux côtés des deux hommes.
Au moment de partager cette histoire avec son public, l'écrivain se dit serein et se réjouit de lire et d'entendre des retours de lecture, tout en préparant déjà son prochain voyage.
Sujet radio: Linn Levy
Adapation web: Andréanne Quartier
"Amazonia", Patrick Deville, éditions du Seuil