Que se passe-t-il dans la tête de Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook?

Tout commence à Harvard en 2004 lorsqu'un jeune homme fasciné par la psychologie des foules et l'informatique crée un trombinoscope en ligne. Histoire de mettre en relation tous les étudiants, de partager des images et de suivre ce que font les uns et les autres. Sympa.

Quinze ans plus tard, Thefacebook devenu Facebook compte près de deux milliards et demi d'utilisateurs et trente mille employés de par le monde, a fait de son créateur le plus jeune milliardaire de la planète, est coté en bourse et fait trembler les démocraties. La puissance de Facebook est aujourd'hui encore phénoménale, mais les mises en accusation et les demandes de régulation se multiplient jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir, aux Etats-Unis comme en Europe.

>> A écouter: Julien Le Bot explique pourquoi Facebook doit s'inquiéter :

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Le bandit manchot

Mettre les individus en lien, connecter toute l'humanité, c'est l'ambition et l'obsession du fondateur de Facebook. Mark Zuckerberg croit fermement que la technologie en elle-même rendra le monde meilleur, mais son slogan initial, "Domination!", ressemble davantage à un cri de guerre qu'à un jeu entre potes.

"Nous devons bien comprendre ce que nous avons entre les mains". Ça, c'est le credo de Julien Le Bot. Spécialiste des questions numériques et internationales, le journaliste et réalisateur a mené l'enquête et cherché à décrypter l'idéologie qui sous-tend cette "hydre à quatre têtes" - Facebook, Messenger, WhatsApp, Instagram- qu'il qualifie aussi de bandit manchot.

Dans son livre "Dans la tête de Mark Zuckerberg" publié chez Actes Sud/Solin, nécessaire parce que nous sommes tous concernés, Le Bot pointe les paradoxes du démiurge. Un naïf inconscient des dommages collatéraux engendrés par sa créature, peut-être. Un mâle dominant prêt à tout pour abattre la concurrence et peaufiner un système qui pourrait cependant le dépasser, sûrement.

Créer une "communauté globale"

En décortiquant le parcours, les discours et les interviews accordées par Mark Zuckerberg depuis 2004, en écoutant les témoins et anciens proches du chef d'entreprise, Julien Le Bot s'est forgé une conviction. Même s'il sait rectifier le tir à coup d'excuses publiques et quelques changements, plutôt cosmétiques, le jeune prodige ne s'écarte pas de sa ligne – sans limites – ni de son but: créer une "communauté globale" et œuvrer ainsi croit-il au bien de l'humanité. En supplantant, au passage, Internet.

"Surveiller et prédire", souligne Julien Le Bot, sont les "deux fonctions cardinales de cette architecture". D'où l'intérêt et l'urgence de mettre en place des contre-pouvoirs, d'encadrer et de réguler la plateforme et pourquoi pas, c'est là sa proposition, de lancer au niveau européen un nouveau réseau "équitable et responsable". Quitte à payer pour rester, entre autres, propriétaires de nos données et cesser d'alimenter cette gigantesque régie publicitaire qui nous manipule et se moque de notre sphère privée.

>> A écouter: Julien Le Bot explique le capitalisme de surveillance façon Zuckerberg :

Keystone - Marcio Jose Sanchez

Un danger pour la démocratie?

La crainte et l'accusation sont récurrentes et l'influence de Facebook sur les campagnes politiques avérée. Mark Zuckerberg, lui, en appelle à la liberté d'expression et, quand il s'agit de fausses nouvelles, au droit à l'erreur. On se souvient du scandale Cambridge Analytica. L'entreprise avait siphonné les données personnelles de dizaines de millions d'utilisateurs afin d'infléchir les opinions en faveur du Brexit, en Grande-Bretagne, puis de l'élection de Donald Trump, aux Etats-Unis. Julien Le Bot analyse aussi le rôle de la plate-forme dans le massacre des Rohingas en Birmanie et dans l'élection à la présidence, aux Philippines, du brutal Rodrigo Dutertre.

Zuckerberg prochain président des USA? La rumeur a circulé, mais comme le rappelle Julien Le Bot, "à quoi bon devenir président quand on est devenu, par la force des choses, le chef d'Etat d'une nouvelle espèce?".

>> A écouter: Julien Le Bot raconte comment Facebook influence les bulletins de vote :

Keystone - John Minchillo

Anik Schuin/aq

^{Julien Le Bot, "Dans la tête de Mark Zuckerberg", Actes Sud/Solin 2019}

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