Les derniers jours de Gérard Philipe racontés par Jérôme Garcin

Tout le travail d’écriture de Jérôme Garcin est habité par des êtres fauchés trop tôt par la mort. En effet le critique littéraire de "L’Obs" et producteur du "Masque et la plume" est à ce jour l’auteur d’un curieux réseau de textes biographiques et autobiographiques qui semblent se répondre de l’un à l’autre, depuis son "Pour Jean Prévost", consacré au romancier mort dans la Résistance, à "La chute de cheval" où il évoque son père, l’éditeur Philippe Garcin, mort alors que lui-même n’avait que dix-sept ans. Au centre de cette galerie de portraits intimes et sensibles, son frère jumeau Olivier, disparu à l’âge de six ans.

Aujourd’hui c’est un mythe du cinéma hexagonal qu’il fait revivre. Gérard Philipe, comédien capable de jouer "Le Cid" à Avignon, "Fanfan la Tulipe" sur les écrans, de lire "Pierre et le loup" à des générations d’enfants, artiste engagé dans l’aventure du TNP avec Jean Vilar, est mort en 1959 à trente-sept ans. Et depuis longtemps Garcin côtoie son fantôme, puisqu’il est marié à la comédienne Anne-Marie Philipe, fille de l’acteur et de l’écrivaine Anne Philipe.

>> A écouter: Jérôme Garcin dresse le portrait de Gérard Philipe comme figure morale :

AFP - Joel Saget

Une vie intense

Jérôme Garcin nous rappelle à quel point ces trente-sept ans de vie de Gérard Philipe ont été incroyablement intenses: "C’est hallucinant, quand on voit ce qu’il a fait au théâtre, au cinéma, dans sa vie syndicale. Il a eu un rôle politique en tant que militant pour la paix, il a fondé une famille, et il est mort avec un statut de vedette internationale. Le monde entier a été bouleversé par sa disparition".

>> A écouter: Jo Excoffier et Catherine Michel rendent hommage à Gérard Philipe le soir-même de la mort de l'artiste, sur les ondes de Radio Genève (Archive RTS, 25 novembre 1959) :

AFP - Lipnitzki / Roger-Viollet / Roger-Viollet

Prouver que les vies brèves sont pleines

Le livre, s’il revient sur la carrière et le passé du comédien, se concentre principalement sur les dernières semaines de sa vie. Gérard Philipe sort de l’hôpital. Sa femme, Anne, le sait condamné. Et elle ne lui en dira rien.

Cette situation douloureuse et paradoxale, ces quelques jours suspendus d’un être en sursis, Garcin sait l’observer avec une infinie pudeur. Et s’interroge: que savait Gérard Philipe? Se doutait-il qu’il vivait ses derniers instants?

>> A écouter: Les derniers instants de Gérard Philipe évoqués par son gendre Jérôme Garcin :

AFP - Lipnitzki / Roger-Viollet / Roger-Viollet

On retrouve pleinement ici l’univers de Garcin, son souci, en tant que romancier, de mettre des mots sur ce qui n’a pas été dit, de remplir les vides d’une histoire. Surtout, on retrouve une intuition qui le porte depuis plusieurs textes: "J’ai toujours pensé que ceux qui ont une vie brève la remplissent car ils savent qu’elle sera brève. Ils ont une sorte de pressentiment".

>> A écouter: Anne-Marie Philipe, fille de Gérard, lit un passage de "Le dernier hiver du Cid" (extrait de l'audio livre) :

Gallimard

Sylvie Tanette/aq

_{"Le dernier hiver du Cid", Jérôme Garcin. Gallimard}

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