C'est du lourd. Dans le roman graphique qu'elle vient de faire paraître chez Dargaud, Catherine Meurisse couche l'intégralité de l'hommage rendu par Alexandre Dumas (1802-1870) à son ami Eugène Delacroix (1798-1863), le 10 décembre 1864, quelques mois après sa mort. De ce témoignage poignant tenu dans la fastueuse salle d'exposition de la Société nationale des beaux-arts, devant le tout Paris, tout a été retranscrit manuellement et mot à mot par Catherine Meurisse.
Il y avait chez lui presque toujours autant du gentleman que de l’artiste.
L'ouvrage se présente sous la forme d'un roman graphique rehaussé et on y trouve donc le texte de Dumas. Entre les lignes, l'autrice et illustratrice met malicieusement son grain de sel. Elle imagine des apartés et plante le décor, principalement du noir et blanc. Le roman est rehaussé de peintures et d'aquarelles.
Catherine Meurisse réinterprète l'œuvre d'Eugène Delacroix à sa façon, avec classe. A plus d'un siècle de distance, elle dialogue avec l'artiste qui "donne le vertige de la couleur".
De page en page, on refait le parcours biographique de Delacroix. Alexandre Dumas était son ami. Il était passionné de peinture, ne se présentait-il pas lui-même comme "le frère des peintres"? Il était enfin un admirateur inconditionnel de l'œuvre d'Eugène Delacroix.
"J'aurai plaisir à vous parler de Delacroix (…) plein de défauts impossibles à défendre, plein de qualités impossibles à contester, qui sauta par-dessus le talent pour arriver au génie, et pour lequel, amis ou ennemis, admirateurs ou détracteurs, peuvent s'égorger en toute conscience, car tous auront raison, ceux-ci d'aimer, ceux-là de haïr". Ainsi commence cette savante causerie, riche, drôle et étayée. On savait tourner ses phrases à cette époque!
Le génie de Delacroix ne se discute pas, ne se prouve pas, il se sent.
Parcours chahuté mais sans faute
Lettreuse dotée d'une solide formation artistique, Catherine Meurisse se fait un nom en dessinant pour "Libération", "Marianne" ou "Les Echos". Elle excelle aussi dans l'illustration pour la littérature jeunesse et dans la bande dessinée. A la fin de ses études, en 2004, elle publie une première version de ses illustrations du texte d'Alexandre Dumas, "Causerie sur Delacroix" (éditions Drozophile).
Repérée par la rédaction de "Charlie Hebdo" dès 2001, elle sera pendant longtemps la seule femme de l'équipe de ses dessinateurs permanents. Le 7 janvier 2015, Catherine Meurisse arrive en retard à la rédaction et échappe au massacre. S'en suivra le magistral "La légèreté". Le roman graphique paru en 2016 raconte avec beaucoup de sensibilité sa vie après. Puis viendront "Scènes de la vie hormonale" et "Les grands espaces", toujours chez Dargaud.
Marlène Métrailler/mh
Alexandre Dumas (texte) et Catherine Meurisse (peintures, dessins et lettrage) "Delacroix", Dargaud. A découvrir également, la réédition récente de "Drôles de femmes – l’humour est leur métier", publié en 2010 avec la complicité de Julie Birmant, éditions Dargaud
A noter enfin une exposition Catherine Meurisse jusqu’au 1er mars 2020, à la villa Médicis, à Rome. Suivront le FIBD d’Angoulême, en janvier 2020, l’Art Museum d’Iki Island, au Japon en janvier 2020. L’Académie des beaux-arts de l’Institut de France lui consacrera une exposition personnelle en septembre 2020.
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