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Rétrospective: les douze meilleurs livres de 2019

Bénédicte Belpois, auteure de "Suiza". [gallimard.fr - Francesca Mantovani]
Bénédicte Belpois, 2018 - [gallimard.fr - Francesca Mantovani]
Chroniqueurs littéraires pour la RTS, Jean-Marie Félix et Sylvie Tanette livrent leurs palmarès des ouvrages qui les ont le plus marqué durant l'année écoulée.

Les choix de Jean-Marie Félix

Jean-François Haas, "Tu écriras mon nom sur les eaux" (Seuil)

L’année a bien commencé pour la littérature romande. Jean-François Haas proposait en janvier une grande fresque familiale qui traverse tout le 20 siècle et ses bouleversements politiques, emmenant le lecteur du canton de Fribourg aux Etats-Unis en passant par Odessa et Cologne. Sans doute le chef d’œuvre d’un auteur qui, depuis son entrée en écriture, travaille inlassablement les mêmes thèmes : responsabilité, culpabilité, injustice, pardon, violence et fraternité.

>> A lire aussi : Jean-François Haas et la violence des hommes

Bénédicte Belpois, "Suiza" (Gallimard)

Comment une pulsion sexuelle quasi animale se transforme en une puissante histoire d’amour, c’est ce que raconte avec sensibilité et humour la Franco-Suisse Bénédicte Belpois. Son premier roman est largement inspiré par son activité professionnelle de sage-femme et son cheminement personnel. L’une des plus belles et surprenantes découvertes du début d’année.

>> A lire aussi : "Suiza", premier roman bouleversant de Bénédicte Belpois

Lydie Salvayre, "Marcher jusqu’au soir" (Stock)

Saluée par le Goncourt en 2014, Lydie Salvayre a publié au printemps un récit poignant dans lequel elle évoque sa relation intime avec l’œuvre de Giacometti. Usant d’une sincérité désarmante, l’auteure y confie son interrogation existentielle au soir d’une vie menacée par le cancer. Le plus autobiographique de ses livres, toujours empreint d’une magnifique inventivité langagière.

>> A lire aussi : Lydie Salvayre questionne le monde de l'art dans "Marcher jusqu’au soir"

Edmond Vullioud, "SAM" (bsn Press)

La vie et le destin de Samuel, innocent mutique ou crétin du village, qui à l’adolescence n’a pas su dire non au fils du pasteur. Placé en institution, Samuel découvre la liberté et l’aquarelle mais aussi la duplicité et le goût de la vengeance. Devenu artiste, signant SAM, il s’appliquera à changer le monde. Après un recueil de nouvelles paru en 2017, le comédien Edmond Vullioud y confirme son talent d’écriture et son goût pour la prose élégante. Un grand livre de la rentrée littéraire romande.

>> A lire aussi : Avec "SAM", Edmond Vuilloud signe un des meilleurs romans de la rentrée

Philippe Forest, "Je reste roi de mes chagrins" (Gallimard)

Depuis son entrée en écriture à la suite de la perte de sa petite fille, Philippe Forest évoque avec constance la question du deuil parental. S’appuyant sur un fait historique, le romancier imagine cette fois la rencontre entre un Winston Churchill vieillissant et le peintre chargé par les autorités reconnaissantes de réaliser son portrait. Pendant les séances de pose, chacun confie à l’autre qu’il a vécu la perte d’un enfant en bas âge. Un livre brillant et bouleversant, à distinguer parmi les 524 nouveautés de la rentrée 2019.

Les choix de Sylvie Tanette

Mohammed Abdelnabi, "La chambre de l’araignée", traduit de l’arabe par Gilles Gauthier (Actes sud)

Un homosexuel brisé par des violences policières rédige le récit de sa vie. Ce magnifique roman raconte le chagrin de toute une vie. Son héros porte en lui la souffrance de tout ceux qui, de par le monde, ne peuvent vivre leur sexualité librement.

Santiago H. Amigorena, "Le ghetto intérieur" (POL)

Amigorena reconstruit la vie de son grand-père, émigré en Argentine, dont la mère est morte dans le Ghetto de Varsovie. Ce texte d’une intelligence rare raconte comment le silence et la souffrance peuvent se transmettre d’une génération à l’autre.

Léonora Miano, "Rouge impératrice" (Grasset)

Une histoire d’amour au sommet de l’Etat dans une Afrique moderne, unifiée et forte, où les Européens sont des migrants discriminés. Construite comme une série télé, cette ambitieuse dystopie foisonnante est un texte politique et radical.

>> A lire aussi : "Le racisme, une pathologie de l’âme", estime la romancière Leonara Miano

Marie Nimier, "Les confidences" (Gallimard)

Lors d’une résidence dans une ville de province, l’auteure a récolté des confidences d’anonymes. Eclats d’intimité, regrets et douleurs enfouies, elles constituent l’essence de ce texte qui est un véritable concentré d’émotion.

>> A lire aussi : Marie Nimier révèle les gouffres cachés des vies ordinaires

Yves Ravey, "Pas dupe" (Minuit)

Bourré de références au cinéma noir américain, ce nouveau livre est emblématique du grand styliste qu’est Ravey. Une intrigue précise, des personnages énigmatiques, et surtout une angoisse diffuse en font un roman inlâchable.

Miriam Toews, "Ce qu’elles disent", traduit de l’anglais (Canada) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné (Buchet Chastel)

Dans une communauté de chrétiens ultrareligieux, les femmes ont été victimes de viols. Elles s’interrogent: doivent-elle partir, tuer les coupables ou se taire ? Inspiré d’un étonnant fait divers, le livre pose des questions très actuelles.

Gabriella Zalapì, "Antonia. Journal 1965-1966" (Zoé)

Dans les années 1960, une narratrice reconstruit l’histoire de ses ancêtres, et sa propre vie, à partir de photos de famille. Ce premier roman qui traverse l’histoire européenne récente porte en lui une force rare.

>> A écouter aussi, la critique du livre :

Gabriella Zalapì [editionszoe.ch - Alexandra Catiere]editionszoe.ch - Alexandra Catiere
Gabriella Zalapì: "Antonia" / Versus-lire et penser / 29 min. / le 24 janvier 2019

Réalisation web: olhor

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A ne pas manquer début 2020

- Joseph Incardona, "La soustraction des possibles" (Ed. Finitude)
A la fin des années 1980, un tournant s’opère avec le triomphe du capitalisme. Un joueur de tennis et une employée de banque établis à Genève fomentent, autour de leur amour, un coup qui devrait les rendre très riches. Projet illusoire... Bon connaisseur des ressorts du roman noir, le Genevois Joseph Incardona suit ses personnages à la trace en posant un regard implacable sur notre société mondialisée et vénale.

- Antoinette Rychner, "Après le monde" (Ed. Buchet Chaste)l
Quatre ans après Le Prix, roman bien nommé plusieurs fois primé, Antoinette Rychner publie un récit d’après catastrophe. Une fiction bien dans l’air du temps.

-Pierre Lemaitre, "Miroir de nos peines" (Ed. Albin Michel)
La troisième partie d’une trilogie historique dont le volet initial a valu à son auteur le Goncourt en 2013. Comme les deux précédents, il sera sans doute un jour adapté au cinéma.
Jean-Marie Félix