Janvier 1942, Los Angeles, un mois après l’attaque japonaise sur Pearl Harbor. Les Américains d’origine japonaise sont massivement arrêtés pour être internés dans des camps construits dans le désert. Peur, paranoïa, mesures préventives, la fièvre gagne les autorités et la population de Californie.
Et alors qu’une pluie diluvienne tombe sans discontinuer sur L.A., un corps est découvert lors d’un glissement de terrain. L’enquête va ouvrir une boîte de Pandore et révélera l’existence de nazis locaux, de trafics en tout genre entre Etats-Unis et Mexique et même d’une cinquième colonne nippone, débarquée depuis des sous-marins sur la côte.
Pavé dans la mare
"La tempête qui vient" est selon Ellroy "bourré jusqu’à la gueule de ses délires criminels, sexuels, raciaux et politiques". Un pavé de plus dans la mare paisible des romans qui ronronnent. Il constitue le deuxième volet de son "Quatuor de Los Angeles".
Rendez-vous pris à Paris. Le chien fou autoproclamé des lettres américaines aboie, mime la masturbation, éructe, fanfaronne, déclame une ode à son pénis "qui brille dans le noir" et déclare que s’il est ici, c’est "parce qu’il vend deux fois plus de romans en France qu’aux USA". On comprend alors mieux pourquoi il est l’objet de thèses de doctorats en psychiatrie.
Un monstre du polar
L’auteur du "Dahlia noir" et de "L.A. confidential" est un des monstres du polar dont les romans naissent parfois d’une vision. C’est le cas de "La tempête qui vient".
"J’étais récemment divorcé, seul dans une piaule de location sur les hauteurs d’Hollywood nord. Et lors d’une nuit froide et pluvieuse, alors que je regardais par la fenêtre, j’ai eu un flash. J’ai vu des Japonais emmenés par des bus de l’armée américaine vers le camp d’internement de Manzanar", indique le romancier à la RTS. Cet épisode peu connu de la Seconde Guerre mondiale sera donc le point de départ du "Quatuor de Los Angeles" qui reprend les personnages fétiches de James Ellroy, présents dans ses romans à succès.
"Ce n’est pas pour réparer l’injustice faite aux Nippo-Américains. Les présidents Reagan et Georges Bush fils ont dédommagé les familles et leurs survivants. Ils ont reçu un paquet d’argent et les excuses officielle de la Maison Blanche", précise l'écrivain.
Orson Welles, "une belle merde"
"La tempête qui vient" met également en scène les personnalités de l’époque, comme le réalisateur Orson Welles, martyrisé et violenté au bord de sa piscine par un flic véreux. Un plaisir particulier? "Ce n’est pas un plaisir sadique, mais je peux vous dire que je n’aime pas Orson Welles, je n’aime pas ses films, je ne l’aime pas comme acteur, je n’aime pas l’homme, je pense qu’il était une belle merde. Je l’appelle "gros" dans le livre. Et si quelqu’un se sent offensé, qu’il aille se faire foutre: c’est un roman sur la Seconde Guerre mondiale! Et j’aime mélanger le réel et la fiction".
Sur la base d’un plan de 500 pages (!), Ellroy livre un roman de 700 pages sur une période qui le fascine. "J’ai écrit six romans à mes débuts, et la muse du roman historique m’a eu. J’étais obsédé par l’après-guerre, jusqu’à la présidence de Kennedy. Et j’y ai vu une opportunité pour écrire ces onze romans qui emmèneront les lecteurs de 1941 à 1972. L’année de la mort de Edgard Hoover, le patron du FBI, marque la fin d’une histoire américaine qui me passionne".
Phrase courtes, où le sordide se dispute à l’ignoble. Femmes vénéneuses, flics pourris, avorteuses de stars hollywoodiennes alcooliques. Crapules gominées, nazis californiens, Japonais passés au lance-flammes. James Ellroy est sans doute l’auteur américain le plus sûr de son talent: "Personne n’écrit comme moi. Personne ne fait ce que je fais".
Pierre Philippe Cadert/mh
James Ellroy, "La tempête qui vient", éditions Payot-Rivages.
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