Modifié

Un vent de "Révolution" souffle sur les Fauves du festival de BD d'Angoulême

Des auteurs de BD cachent leur visage derrière des feuilles de papier pour dénoncer la précarisation de leur profession. [AFP - Yohan Bonnet]
Un vent de "Révolution" souffle sur les Fauves du festival de BD d'Angoulême / Le Journal horaire / 23 sec. / le 1 février 2020
Le vent de révolte qui soufflait samedi soir dans le grand théâtre d’Angoulême est venu clore une édition sous le signe de la contestation. Le prix du roman graphique à "Révolution" de Florent Grouazel et Younn Locard ne pouvait être plus à propos.

"Révolution" est un roman graphique fouillé, foisonnant de détails et conçu avec une précision historique consciencieuse. Cinq ans de travail ont été nécessaires aux deux auteurs pour achever les 336 pages de ce premier tome: "Liberté" ("Egalité" et "Fraternité" restant à publier). Le livre nous propulse en 1789 pour vivre la révolution française de l’intérieur, suivant différents protagonistes impliqués dans les événements.

Si "Révolution" fut le point d’orgue de cette cérémonie, la révolution a coloré tout la soirée. Dès le début de cette 47ème remise des Fauves, le ton est donné par les deux lauréats du Prix René-Goscinny (récompensant un -ou des- scénariste), Gwen de Bonneval et Fabien Vehlmann. Visiblement émus, ils ont tout deux salué le caractère frondeur et solidaire de René Goscinny qui, en 1956 déjà, avait tenté de réunir les autrices et auteurs de bande dessinée pour défendre leurs droits faces aux éditeurs.

Appel au boycott du festival

Ils ont ensuite appelé tous leurs collègues présents dans la salle à venir les rejoindre sur scène pour une démonstration de protestation. Gwen de Bonneval et Fabien Vehlmann ont rappelé à l’assistance restée assise que, sur les quelques 70 personnes debout sur scène, la moitié vit en dessous du smic et un tiers sous le seuil de pauvreté. Ils ont finalement appelé à un boycott du festival 2021 si rien ne change d’ici là.

Lors de la remise du Fauve BD alternative, le président du syndicat des éditeurs alternatifs, Benoît Preteseille, a pour sa part fustigé le manque de dotation des prix du festival. Moynot (Fauve du Polar pour "No Direction") est monté pieds nus sur scène, rappelant son amour des va-nu-pieds plus que des chaussures cirées. Ah, ça ira, ça ira, ça ira...

Deux Fauves d'honneur

L’émotion est aussi montée sur les planches du théâtre. Ainsi des larmes de joie de la jeune Chloé Wary hurlant "Vive le foot, vive la BD, vive les meufs" quand elle a reçu son Fauve du Public pour "La saison des roses" (éd Flblbl). La joie tonitruante du Britannique Joe Kessler qui emporte le Fauve Révélation pour "Lucarne" (éd. L’Association). La truculence de l’Italien Giacomo Nanni, Fauve de l’Audace pour "Acte de Dieu" (éd. Ici même). L’émoi contenu du Canadien Seth, tiré à quatre épingles et d’une classe absolue, recevant le Fauve du Jury pour "Clyde Fans" (éd Delcourt).

Une émotion qui atteint ensuite toute la salle lors de la montée sur scène des deux Fauves d’honneur décernés à Nicole Claveloux (également Fauve du Patrimoine, pour "La main verte" éd. Cornélius) et au mangaka Yoshiharu Tsuge, précurseur du manga autobiographique. Ils ont tous deux été accueillis par une standing ovation.

Didier Charlet

Publié Modifié