Lucien Bridel a quelque chose de l’idéaliste écorché vif. Avec la complicité de son ami Philippe Walther, cet éternel étudiant de 38 ans a pour ambition de faire connaître le regard personnel qu'il porte sur notre société.
Anthropologue de formation, il se souvient d’un événement qui a été décisif pour baptiser sa publication numérique: "J’étais étudiant à Neuchâtel et suis allé chercher ma fille à la crèche. Me voyant arriver, la puéricultrice a demandé à la petite quel était mon métier. Ma fille a répondu avec aplomb que je faisais des sciences fantaminales."
Magnifique invention langagière sortie de la bouche d’une enfant! Sous ce titre aux sonorités mystérieuses, Lucien Bridel livre son souhait de vulgariser quelques grands thèmes universels qui traversent les âges. Mais cela en évitant tout jargon scientifique. "Le Fantaminal" se veut une publication à caractère littéraire et journalistique.
C’est pour ça qu’il possédait et lisait beaucoup de livres, pour exercer son intelligence et devenir autonome, c’est-à-dire une règle pour lui-même.
Côté purement littéraire, la première rubrique propose un feuilleton intitulé "M le Mowgli". On y trouve un personnage misanthrope reclus dans sa chambre, maudissant la vulgarité du monde. La découverte d’un livre oublié au fond de sa bibliothèque infléchira-t-elle le cours de sa vie et sa perception? Réponse dans les prochains numéros.
Les sciences fantaminales
Dans la seconde rubrique, le ton est plus documentaire. Lucien Bridel y mêle des souvenirs personnels à une réflexion sur le lien que notre société entretient avec son passé. D’où le titre programmatique qu'il compte donner aux trois premiers numéros de sa revue: "passé fictif et table rase, variations sur une pulsion".
Pulsion de réinventer notre passé ou carrément de l’occulter. Tentation prométhéenne d’un homme nouveau, qui a traversé les idéologies totalitaires du 20e siècle. Ainsi, l’auteur ancre ses récits en Allemagne et en Union soviétique en se souvenant qu'il a vécu à Berlin dans les années qui ont suivi le bouleversement provoqué par la chute du Mur en 1989.
Je suis un mélange d’autodidacte et d’éternel étudiant, mais je suis surtout un lent. Pour régler mes journées et tenter d’exister, j’ai besoin du support des livres et des conversations avec les auteurs qui m’ont précédé.
Elle est troublante cette confession d’un trentenaire qui cherche sa place dans le monde, durablement, à son rythme lent. Cela, avec les outils que lui offre le grand tout numérique, règne de l’éphémère, du volatile et de l’immédiateté. Car "Le Fantaminal" est publié uniquement sur la toile et si le premier numéro est accessible à chacun, les suivants seront payants. Le prochain ne paraîtra pas avant deux mois.
Lucien Bridel en est conscient, son projet demande une totale adhésion de la part des lecteurs qui le suivront. Mais, en bon idéaliste, il est certain qu'il saura réunir autour de sa revue fantaminale une communauté capable de partager ses préoccupations d’homme concerné par la marche du monde.
Affaire à suivre…
Jean-Marie Félix/ms
"Le Fantaminal" - série littéraire et journalistique, numéro pilote, 2020.
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