Si la réputation de l'auteur de "L'Usage du monde" et du "Poisson-scorpion" a dépassé les frontières depuis longtemps, si son œil de photographe s'est largement imposé, son activité d'iconographe reste méconnue malgré la place grandissante que cette profession silencieuse a prise dans sa vie.
Comment s'en étonner en rappelant que le père de l'écrivain, Auguste Bouvier, dirigeait la Bibliothèque Publique et Universitaire (BPU) de Genève et que le jeune Nicolas a baigné dans la culture de l'imprimé, laquelle, rappelait-il volontiers, a favorisé la prolifération des illustrations depuis des siècles.
La France de l'après-guerre a vu s'épanouir des "chercheurs d'images" ou des documentalistes spécialisés grâce à l'essor de la grande presse et de l'édition tout public. En Suisse romande, à la même période, la haute qualification de l'imprimerie a profilé l'arc lémanique comme un pôle d'excellence en la matière. Après la Guilde du Livre, les éditions Rencontre ont popularisé des collections à grand tirage et des encyclopédies vendues sur abonnement. C'est dans ce créneau que Bouvier a fait ses premières armes de "chercheur d'images" dans la lignée de Jean Adhémar, conservateur du Cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale de France, ou Jacques Ostier, "reporter d'images" en France.
Ces grands noms de la recherche documentaire en ont imposé la professionnalisation et ne se sont pas contentés de "trouver" la bonne image en regard du texte, mais ils les ont interprétées, devenant ainsi les co-auteurs de l'ouvrage illustré. Saut qualitatif qui exigeait une mémoire visuelle remarquable, une curiosité aiguisée par les trouvailles dans les fonds peu consultés des bibliothèques et un sens renouvelé de la mise en page.