Dans les statuts de l'Académie française, fondée par le cardinal de Richelieu en 1635, rien n'interdit l'admission des femmes. Elles ne sont tout simplement pas évoquées dans les règlements. Mais une longue tradition misogyne continue de leur refuser l'accès aux fauteuils de l'institution. Dès les années 1970, les premières tentatives pour modifier cet état de fait se succèdent. En vain. Jusqu'à ce jour de 1977 où l'écrivain Jean d'Ormesson, qui a rejoint le clan des immortels quatre ans plus tôt, lance la candidature de Marguerite Yourcenar.
Prix Femina en 1968 pour "L'œuvre au noir", Grand Prix de littérature de l'Académie Française en 1977 pour "Mémoires d'Hadrien", la renommée littéraire de Marguerite Yourcenar n'est plus à prouver. Le parcours pour l'entrée à l'Académie n'est pas sans difficultés pour autant. Il n'empêche que le 6 mars 1980, elle est la toute première femme à être admise sous la Coupole du Quai Conti.
L'égalité des sexes
"Je me rappelle encore qu'on a dit que je présentais cette candidature uniquement pour parler de moi", confie à l'époque Jean d'Ormesson à la Radio Suisse Romande. "Ce qui était quand même rabaisser vraiment les choses. Je ne suis pas féministe. Mais si vous voulez me faire dire que je considère que les femmes sont en tout point les égales des hommes, naturellement! Les femmes sont en tout point les égales des hommes. Je pense même qu'il n'y a plus aucun mérite à le dire. C'est une chose acquise! Alors, ce que je trouvais inouï, c'est que nous ayons un grand écrivain, Marguerite Yourcenar, et que nous ne la recevions pas parce que c'était une femme. Et bien je trouvais cela inacceptable et je me suis battu pour cela."
J'ai eu un peu l'impression que beaucoup de mes confères (...) ont voté pour Marguerite Yourcenar parce qu'ils ne pouvaient pas faire autrement. Et qu'ils m'en voulaient.
En direct à la télévision
Comme le veut la tradition, l'élection de Marguerite Yourcenar ne devint effective qu'après l'approbation du Président de la République Valéry Giscard d'Estaing, devenu académicien depuis. Compte tenu de la dimension proprement historique de l'évènement, symbole de la rupture d'une tradition de cooptation masculine, la réception officielle à l'Académie, quelques mois plus tard, fût retransmise en direct par la télévision.
Ce qui n'empêcha pas le diplomate Alain Peyrefitte de déclarer: "Mesdames, ne croyez pas que les portes vous soient grandes ouvertes pour autant". La suite semble lui avoir donné partiellement raison. Depuis l'accession de la célèbre romancière, poète et essayiste bruxelloise, seules huit femmes ont rejoint l'Académie française, un petit sept pourcent des immortels.
Jean de Preux/mh