"Au Congo, la littérature francophone venue d'Europe est uniquement française ou belge. J'ai voulu faire savoir à mes amis congolais qu'il existe aussi une littérature suisse écrite en français", explique avec la fougue qu'on lui connaît Max Lobé. C'est ainsi qu'est né dans son imaginaire d'écrivain ce projet destiné à mettre en relation des acteurs du livre romands avec leurs homologues congolais.
Anne-Sophie Subilia et Lolvé Tillmanns ont toutes deux été invitées à nouer une relation épistolaire par courriel interposé. La première avec l'écrivain kinois Richard Ali Mutu, la seconde avec la promotrice littéraire Missy M. Bangala. Ces échanges virtuels dirigés par Max Lobé ont été mis en ligne sur le site de Genèv'Africa. S'en dégage un plaisir évident de la découverte mutuelle. Courriel après courriel, chacun.e évoque son lieu de résidence, les rumeurs qui l'entourent, ses préoccupations du moment.
Un email écrit en Suisse ne ressemble pas à un email rédigé au Congo. La langue est la matière première d’un écrivain, on la perçoit bien dans ces échanges par courriels qui prennent une dimension littéraire à part entière.
Une première rencontre à la Fête du livre de Kinshasa
Renouer avec le genre épistolaire grâce au support numérique, une idée intéressante qui est aussi au cœur du projet de Max Lobé. Mais cette correspondance à distance qui a duré plusieurs mois ne fut qu'un prologue. Car Anne-Sophie Subilia et Lolvé Tillmanns ont rencontré leur correspondant pour de vrai en République Démocratique du Congo, lors de la 7e édition de la Fête du livre de Kinshasa organisée en février dernier.
La présence des deux écrivaines à Kinshasa, la plus grande ville francophone du monde (15 millions d'habitants), a permis de sensibiliser les visiteurs à la diversité de la littérature romande. L'occasion aussi de réfléchir à des moyens de distribution efficaces permettant la diffusion des écrivains romands dans toute la francophonie.
La langue comme matériau de création
Pour la deuxième étape de Genèv'Africa, Anne-Sophie Subilia et Lolvé Tillmanns rendront la politesse à leurs homologues africains en les recevant en novembre prochain au Salon du livre de Genève. Et comme ce projet se veut pérenne, Max Lobé a prévu une nouvelle escale à Abidjan en 2021 avec de nouveaux binômes.
Cette rencontre entre écrivains partageant la même langue est l'occasion de se souvenir que le 20 mars est depuis des décennies la Journée internationale de la francophonie. Quand on demande à Max Lobé ce qu'il pense d'une telle journée, la réponse ne se fait pas attendre: "La francophonie qu'on célèbre ce jour-là est avant tout politique. Franchement, ça ne m'intéresse pas. La francophonie qui m'intéresse est celle de la langue comme matériau de création".
C'est dans ce même esprit que le plus camerounais des auteurs genevois souhaiterait qu'on évite de renvoyer régulièrement les artistes africains aux réalités politiques dans lesquelles ils vivent. "Demande-t-on chaque fois à Patrick Modiano de s'exprimer sur tel ou tel dictateur?", relève-t-il avec justesse.
Il a sans doute raison. La francophonie relie les artistes plus que les responsables politiques.
Jean-Marie Félix/aq
Le site du projet Genèv-Africa.
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