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Pour les libraires suisses, il importe de ne pas céder le terrain à Amazon

Livres. [Richard Villalon]
Pascal Vandenberghe, l'explosion des ventes de livres en ligne / Vertigo / 12 min. / le 18 mars 2020
Librairies fermées, salons annulés, sorties de livres reportées, le monde de l'édition souffre lui aussi de l'épidémie de coronavirus. Pourtant, rien de mieux que la lecture en période de confinement. Les libraires romands s'organisent pour résister à Amazon notamment.

En période de confinement, le livre est pour notre cerveau l'équivalent d'un paquet de pâtes pour notre estomac. Et pourtant, il n'est pas considéré comme un produit de première nécessité - même s'il n'existe pas en Suisse de définition légale de commerce ou de produit de première nécessité. C'est ainsi que l'on assiste à ce paradoxe: des librairies fermées mais des kiosques ouverts qui, eux aussi, vendent des livres!

>> A écouter, la zone grise de la liste des produits de première nécessité :

Fermer tous les commerces qui ne sont pas de première nécessité, une directive pas si claire
Fermer tous les commerces qui ne sont pas de première nécessité, une directive pas si claire / Forum / 2 min. / le 17 mars 2020

Toute la chaîne se grippe

Depuis lundi, les librairies sont donc fermées, tous les Salons et rendez-vous littéraires ont été annulés et de nombreux éditeurs ont annoncé mardi le report des publications prévues de mars à avril. Tout comme il ont demandé aux auteurs de "surseoir à l'envoi des manuscrits". "Nous ne sommes plus en mesure de prendre en charge les manuscrits. Merci de ne pas nous adresser de textes dans les temps qui viennent", a ainsi déclaré Grasset. C'est toute la chaîne du livre qui est grippée.

Alors qu'en France, le ministère de la Culture a annoncé mercredi une "aide d'urgence" de 22 millions d'euros pour différents secteurs culturels "frappés de plein fouet" par la crise du coronavirus, la Suisse reste très en retrait avec ses 10 milliards pour l'ensemble du tissu économique. Le milieu de l'édition, comme d'autres secteurs de la culture, doit donc imaginer des parades pour faire face, surmonter la crise et rebondir après la crise.

Ne pas laisser le terrain à Amazon

Il est vrai que la pandémie tombe particulièrement mal puisque c'est en mars et en avril que sortent les best-sellers de l'été qui assurent aux libraires une grande part de leurs chiffres d'affaires. La saison s'annonçait belle pourtant avec la sortie de "L'Enigme de la chambre 622" de Joël Dicker, prévue pour le 17 mars. On apprenait mardi qu'elle était reportée sine die, alors que l'auteur genevois avait prévu plusieurs séances de signatures en Suisse. Même chose pour l'autre locomotive de l'édition, Guillaume Musso, dont "La Vie est un roman" devait être en librairie le 28 avril.

>> A lire, le témoignage de Yasmina Giaquinto de la librairie Baobab à Martigny : Le dernier roman de Dicker est aussi en état de situation extraordinaire

L'auteure genevoise Lolvé Tillmanns qui vient de publier "Fit" en appelait lundi sur le plateau du 12h45 à plus de solidarité à l'égard des petites librairies, dont la marge est étroite. L'enjeu désormais pour tous ces commerces indépendants est de résister pendant cette période à la concurrence des géants - Amazon annonçait hier qu'elle recrutait 100'000 personnes aux Etats-Unis.

A Sion, la librairie la Liseuse songe à développer un réseau de résistance. Pour ce faire, la vente en ligne reste la meilleure parade. Une bonne partie des librairies en Suisse romande disposent de ce service, et du stock nécessaire pour répondre à la demande en dépit du ralentissement de la chaîne de distribution - les éditeurs français envoient encore du réassort. Pour l'heure, et tant que la Poste y pourvoie, ce service est assuré. Certains libraires s'engagent même à faire les livraisons eux-mêmes.

>> A voir, l'interview de Lolvé Tillmanns dans le 12h45 :

L'écrivaine Lolvé Tillmanns présente son cinquième roman, intitulé "Fit".
L'écrivaine Lolvé Tillmanns présente son cinquième roman, intitulé "Fit". / 12h45 / 8 min. / le 16 mars 2020

Préparer l'avenir

Entre vendredi et lundi, Payot a connu une explosion de ses ventes en ligne avec l'équivalent de 1100 paniers en 24 heures. Pour son directeur Pascal Vandenberghe le défi est triple: garder le contact avec sa clientèle, approvisionner ceux qui le demandent et surtout ne pas laisser le terrain à Amazon: "Il est impératif d'offrir une option locale pour garder les clients en Suisse. Il faut s'occuper du présent, mais aussi préparer l'avenir. La crise est sanitaire, mais aussi économique".

Marie-Claude Martin

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