A l'origine de ce livre, il y a une série de films documentaires que Daniel Monnat a réalisée en 1997, époque à laquelle la crise des fonds juifs en déshérence était au faîte de l'actualité. Parmi eux, "L'Honneur perdu de la Suisse", diffusé sur les ondes de la TSR, a bouleversé le mythe entretenu depuis l'après-guerre d'une Suisse neutre et généreuse envers la population juive.
S'appuyant sur les travaux de plusieurs commissions d'historiens, Daniel Monnat y analysait avec rigueur l'attitude ambiguë des autorités helvétiques pendant la guerre, écornant au passage les autorités civiles et militaires, dont le Général Guisan. Scandale national! S'en sont suivi une saga juridique et une tentative de censure qui a trouvé son épilogue en 2006 avec un jugement de la Cour européenne des droits de l'homme favorable à la TSR.
Une fiction romanesque
"Déjà à cette époque m'est venue l'idée d'en tirer un roman parce qu'il y avait un puissant aspect émotionnel qui se dégageait des documents et des témoignages que j'avais recueillis", affirme Daniel Monnat. Mais la première version de cette fiction a pris la forme d'un synopsis pour le cinéma, projet qui ne s'est jamais concrétisé. C'est donc à l'âge de la retraite que le journaliste a pris le temps de synthétiser son abondante documentation et de la transposer dans une fiction romanesque.
Le récit commence en 1939 à Genève alors que, dans un climat politique délétère, s'y affrontent les communistes et les sympathisants du nouveau régime allemand. Le jeune Michel Suter, descendu de La Chaux-de-Fonds pour y suivre des études de médecine, rencontre un couple de galeristes juifs munichois réfugiés avec leur petite fille âgée de quelques mois. Malgré une amitié de circonstance qui les lie, Michel trahit la confiance que le couple a placée en lui au point de causer la perte de la famille juive. A la faute initiale suivra la tentative de rachat. L'apprenti médecin s'engagera dans une mission envoyée sur le front de l'Est dans l'espoir de retrouver et sauver ceux qu'il a trahis.
Mettre à jour un fait peu glorieux
Ces personnages de fiction placés dans un contexte historique très documenté permettent à Daniel Monnat de mettre à jour un fait peu glorieux, occulté jusque-là: pour gagner la bienveillance des Allemands, la Suisse a organisé sous la responsabilité de la Croix-Rouge des missions composées de jeunes médecins et infirmières du pays envoyés sur le front. Avec pour instruction de soigner les soldats de la Wehrmacht et l'interdiction de venir au secours des victimes soviétiques. Cela au mépris total du principe de neutralité. "C'est l'une des choses qui m'avaient le plus choqué pendant mon enquête, ajoute Daniel Monnat. Il y avait là un degré de compromission extraordinaire avec le Reich."
Michel se retrouvera ainsi en Biélorussie, où il sera le témoin des terribles exactions commises par les nazis sur la population juive déportée. Suivant un parcours propre à un roman d'initiation, le jeune homme naïf et nonchalant des premières pages gagnera son statut de héros engagé pour une juste cause.
"La Faute" est un roman à l'écriture nerveuse et très visuelle. Sans doute un héritage du synopsis initial dont il découle et de la familiarité de son auteur avec les images.
Jean-Marie Félix/ld
"La Faute", Daniel Monnat, Editions Slatkine.
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