Récit d'une quarantaine de pages, "La Métamorphose" ("Die Verwandlung") met en scène la lente déshumanisation d'un honnête commis voyageur, Grégoire Samsa, plutôt docile face à sa famille et son employeur, en un monstrueux insecte que Kafka refusa toujours de qualifier et d'illustrer en couverture. Son corps chitineux atteint la taille d'un mètre sur un mètre et ses petites pattes grêles le handicapent encore davantage.
L'allégorie est ici énigmatique, car que représente ce "cancrelat" et par lui cette descente dans l'animalité, cette transformation en apparence tragique? Au premier degré, le lecteur pourrait penser à une exclusion radicale d'un être solitaire, promis à la mort et à la vengeance des vraies engeances du récit: le père veule et meurtrier, la mère abandonnant son fils à son triste sort et la sœur, seule membre empathique, réduite à une ombre, y compris le fondé de pouvoir de l'employeur, qui tente de rappeler à l'ordre Grégoire incapable désormais de répondre aux injonctions de ses proches.
Cependant, il me faut dire que nous autres commerçants devons souvent – par bonheur ou par malheur – faire passer les affaires avant nos petits malaises.
Cette remarque du fondé de pouvoir venu frapper à la porte de la chambre verrouillée de Grégoire qui s'est mal réveillé et vient de rater son train, déjà métamorphosé, résonne fortement en ces temps de réclusion sociale imposée par la pandémie.