Publié

Augustin Mal, un ennemi qui se veut du bien

L'écrivaine Julie Douard. [Editions P.O.L]
Entretien avec Julie Douard, à propos de son roman "Augustin Mal n'est pas un assassin" / QWERTZ / 20 min. / le 28 avril 2020
Roman vif et féroce, "Augustin Mal n'est pas un assassin" met l'écriture théâtrale de Julie Douard au service d'une satire de la masculinité toxique.

Augustin Mal n'est pas un assassin. C'est là son moindre défaut. Car l'homme dont on lit la confession n'est pas un criminel ordinaire. S'il caresse les fesses de sa concierge, s'introduit chez sa voisine pour lui ravir une petite culotte, s'il gave de somnifères l'inconnue qu'il emmène chez lui, ce n'est que pour leur bien, pauvres femmes aigries en manque de son affection.

Quatrième roman de l'autrice française, également metteuse en scène de théâtre, "Augustin Mal n'est pas un assassin" révèle l'art incisif de Julie Douard. En une quinzaine de chapitres brefs, comme autant d'entrées d'un journal intime complaisant, la romancière donne la parole à un être profondément dérangé, incapable de saisir l'abomination de ses agissements.

Un manque total d'empathie

La couverture de "Augustin Mal n'est pas un assassin" de Julie Douard. [P.O.L.]
La couverture de "Augustin Mal n'est pas un assassin" de Julie Douard. [P.O.L.]

Misogyne, mal assuré dans sa masculinité et totalement dépourvu d'empathie, Augustin Mal traverse l'existence avec la fausse assurance que lui confère son éducation sommaire. Maniaque de la propreté, il passe beaucoup de temps à s'admirer, se pomponner pour se donner l'apparence d'un homme élégant. Ses collègues, pourtant, le fuient, et les femmes se scandalisent de ses attouchements qu'il estime honorables.

Alors pour avoir une chance d'approcher l'autre sexe, Augustin Mal s'inscrit dans un groupe de parole, qu'il sabote rapidement par son comportement outrancier. La suite orchestre un implacable crescendo dans l'abjection qui laisse le lecteur interdit… et joyeux. Car le texte, pétri d'euphémismes et de "punchlines" redoutables, manie l'humour noir avec une virtuosité jubilatoire.

Jean-Claude Dusse et #MeToo

Tel un Jean-Claude Dusse des "Bronzés" qui aurait pris trop de soleil sur le caillou, Augustin Mal s'estime irrésistible. La chaleur que dégage son corps affole les femmes, et la victime de sa prédation criminelle gardera de lui l'image d'une "passion clandestine, l'amant polisson dont le souvenir secoue encore, au soir de la vie, la coquine repentie."

A l'ère de #MeToo, de #BalanceTonPorc, la satire fait mouche. Car les propos d'Augustin Mal, aussi caricaturaux soient-ils, ne sont pas sans rappeler la réaction épidermique de certains éditocrates à l'égard du féminisme 2.0.

Parler au nom de l'ennemi, révéler de ce discours réactionnaire la scandaleuse désinvolture, voilà bien la manière élégante qu'a choisi Julie Douard pour assassiner ces idées d'un autre temps.

Nicolas Julliard/ld

"Augustin Mal n'est pas un assassin", Julie Douard, Ed. P.O.L

Vous aimez lire? Abonnez-vous à QWERTZ et recevez chaque vendredi cette newsletter consacrée à l'actualité du livre préparée par RTS Culture.

Publié