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Cinq romanciers racontent comment écrire durant le confinement

Alors que le monde entier est plongé depuis plusieurs semaines dans une crise inédite, les romanciers et les romancières, cloîtrés chez eux, lisent et écrivent. Peut-être parviennent-ils, plus que d’autres individus, à mettre des mots sur cet étrange drame à la fois collectif et privé que la planète est en train de traverser. Certains ont sans doute commencé à écrire sur le sujet, d’autres ne le peuvent pas encore.

Alors, pour en savoir un peu plus, et tout d’abord pour prendre de leurs nouvelles, la journaliste Sylvie Tanette a passé un coup de fil à cinq d’entre eux. Ils n’ont pas été choisis au hasard. Les Français Michel Crépu, Laura Alcoba, Atiq Rahimi, l’Américain Laird Hunt et l’Italien Sandro Veronesi ont dans leur travail passé, pour des raisons diverses et sous des formes différentes, envisagé des situations dans lesquelles leurs lecteurs peuvent trouver des éléments permettant d’appréhender les bouleversements actuels et à venir.

Cinq témoignages à découvrir en audio ci-dessous.

Michel Crépu

"J’ai l’impression d’être sur un quai de gare et de dire au revoir à quelqu’un que je connais, en sachant que je ne le reverrai jamais"

Romancier, critique littéraire, éditeur et directeur de la NRF, Michel Crépu a publié en 2017 chez Gallimard un texte d’inspiration autobiographique, "Vision de Jackie Kennedy au jardin Galliera". Un narrateur s’enfermait dans une maison isolée pour écrire sur son passé. Mais c’est dans une tout autre tonalité qu’il parle du coronavirus, dans deux textes courts, disponibles gratuitement sur le site de Gallimard, pleins d’humour. "Car il faut avoir des anticorps face à cette sensation de désagrégation d’un monde", explique-t-il.

Chez lui à Paris, l’auteur d’ "Un empêchement", profite du confinement pour lire la Bible en la regardant comme une œuvre littéraire, "hors de toute considération confessionnelle", et s’en amuse: "L’Evangile selon Mathieu est un film de Godard".

>> A écouter: le témoignage de Michel Crépu :

Michel Crépu [arlea.fr - DR]arlea.fr - DR
Entretien avec l'écrivain français Michel Crépu / QWERTZ / 9 min. / le 6 mai 2020

Laura Alcoba

"J’ai retrouvé des émotions enfouies, j’ai revécu des moments de fortes angoisses liées à mon expérience de la clandestinité"

Romancière et traductrice de l’espagnol, Laura Alcoba est née en Argentine. Elle a raconté dans plusieurs textes autobiographiques son enfance à Buenos Aires sous la dictature, dans une famille d’opposants politiques, puis son exil en France avec sa mère, alors que son père était emprisonné. Son premier livre, "Manèges", publié chez Gallimard en 2007, racontait sa petite enfance, alors qu’elle vivait dans la clandestinité avec sa mère et d’autres militants, tous recherchés.

Aujourd’hui chez elle à Paris, l’autrice de "La Danse de l’araignée" lit beaucoup de poésie. Selon elle, "la pandémie nous confronte à des choses que d’autres générations ont vécu avant nous, et que nous ne pouvions pas comprendre autrement qu’en le vivant de nouveau".

>> A écouter: le témoignage de Laura Alcoba :

L'écrivaine Laura Alcoba. [AFP - François Guillot]AFP - François Guillot
Entretien avec l'auteure d'origine argentine Laura Alcoba / QWERTZ / 10 min. / le 6 mai 2020

Atiq Rahimi

"Chaque jeudi, j’achète tous les magazines. Cela me donne des repères dans le temps"

Réalisateur et romancier né en Afghanistan, Atiq Rahimi a eu le prix Goncourt en 2008 pour "Syngué sabour", publié chez POL. Il y mettait en scène une femme, recluse chez elle quand la guerre grondait au-dehors. Confiné chez lui à Paris, l’auteur des "Porteurs d’eau" dit qu’il ne parvient pas à travailler sur ses romans.

"Le réel est si inquiétant que notre imaginaire est comme paralysé". Selon lui, il faudra trouver un nouveau langage pour exprimer ce que nous vivons, car tout bouleversement apporte avec lui sa propre écriture:"Malgré son aspect universel, 'Syngué sabour' ne concernait que l’autre bout du monde, et une femme se battait contre un pouvoir identifié. Aujourd’hui, il s’agit d’un drame qui touche tout le monde, partout, on n’avait jamais vu ça. Et l’avenir est incertain. La dramaturgie a changé".

>> A écouter: le témoignage d'Atik Rahimi :

Atiq Rahimi [editions-iconoclaste.fr - Frédéric Stucin]editions-iconoclaste.fr - Frédéric Stucin
Entretien avec l'auteur d'origine afghane Atik Rahimi / QWERTZ / 10 min. / le 6 mai 2020

Laird Hunt

"Je note chaque jour le nombre de décès. Mais ce n’est pas encore le moment d’écrire sur la situation d’aujourd’hui. Je ne sais pas comment faire face, avec mon écriture"

Professeur à la Brown University de Providence, près de Boston, Laird Hunt est l’auteur d’une dizaine de romans dont plusieurs ont été publiés en France chez Actes Sud, notamment "Neverhome" en 2015. Une jeune femme participait à la guerre de Sécession et se trouvait plongée dans un monde de violence aveugle qui lui était étranger.

Entre sa maison et son bureau à l’université, l’auteur de "La Route de nuit" parle de Montaigne, car "le lire est à la fois rassurant et inspirant". Il dit s’être lancé à la recherche de textes perdus dans son ordinateur, bribes de romans abandonnés avant d’être terminés: "Cela me donne l’occasion de me connaître un peu mieux, et mieux comprendre ce que signifie être humain sur terre".

>> A écouter: le témoignage de Laird Hunt :

L'écrivain Laird Hunt. [DR - Laird Hunt]DR - Laird Hunt
Entretien avec l'auteur américain Laird Hunt / QWERTZ / 11 min. / le 6 mai 2020

Sandro Veronesi

"Rome totalement vide, l’image est si frappante, je ne suis pas certain qu’on puisse l’exprimer avec des mots"

Dans "Chaos calme", publié chez Grasset en 2008, le personnage principal décidait de ne plus bouger, dans une sorte de confinement volontaire. La situation actuelle, l’auteur de "Terres rares" la rapproche aussi de son dernier roman, "Le colibri", qui devrait sortir en France l’an prochain: "Le colibri a besoin de beaucoup d’énergie pour rester immobile. Tout comme nous, pour rester à la maison".

Chez lui à Rome, Veronesi relit Alessandro Manzoni, fondateur du genre romanesque en Italie, qui a su décrire une épidémie de peste. Il n’est pourtant pas certain d’écrire sur le coronavirus: "Je vais peut-être écrire des romans qui se dérouleront jusqu’en 2020. Jusqu’à maintenant, la situation n’avait pas trop changé depuis la fin du 20e siècle. Nous aurons maintenant une distance incroyable pour en parler".

>> A écouter: le témoignage de Sandro Veronesi :

Sandro Veronesi, écrivain italien. [Aurimages via AFP - Ulf Andersen]Aurimages via AFP - Ulf Andersen
Entretien avec l'auteur italien Sandro Veronesi / QWERTZ / 11 min. / le 6 mai 2020

Et vous ?

Un concours d'écriture virtuelle

Si vous aussi, vous voulez écrire sur ou durant cette période si particulière, le site Webstory, plateforme suisse romande d'écriture, vous propose un concours d'écriture virtuelle, ouvert à tous, gratuit et avec un thème très à-propos: "Le 29 février, un jour en plus".

Webstory fait le pari qu'en période de confinement, l'imagination et la capacité d'inventer sont particulièrement stimulées. Pour participer au concours, il suffit de s'inscrire et d'écrire une nouvelle entre 15'000 et 20'000 signes, espaces compris. Délai pour publier votre texte: 15 septembre 2020.

>> A écouter: Un entretien avec Helena Zanelli, la fondatrice du site :

Malgré la place prise par le numérique, 14,4% des Suisses pratiquent cette activité ancestrale qui est l'écriture. [Depositphotos]Depositphotos
Concours d'écriture virtuelle / Vertigo / 5 min. / le 27 avril 2020

RTS Culture

Mai  2020

Sujet et entretiens: Sylvie Tanette

Réalisation web: Andréanne Quartier- La-Tente